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dimanche 13 novembre 2016

Chronique 2016 : Les Bougies


Avant propos de la chronique : 
Ce soir, c'est le 13 novembre 2016, voilà un an que nous avons vécu l'horreur ici à Paris... Une nuit qui a marqué un changement, une bascule dans nos coeurs et nos esprits. Après les attentats, impossible de trouver les mots, de pouvoir écrire avec justesse sur ces événements. Il m'aura fallu un an pour pouvoir sortir cette chronique qui dépeint avec inquiétude les sombres heures du monde que nous traversons. 


La première fois que j’ai allumé une bougie, je n'avais pas plus de 3 ans… C’était dans l’église de Saint Jean de Luz. Ma grand-mère m’avait dit en chuchotant que cette bougie protégerait Aitaxi (mon arrière grand-père) parti au ciel. On l’a regardé bruler un instant, en silence. Elle me semblait belle, sereine et douce. Puis on est parti, on l’a laissé… J’ignore ce qu’elle est devenue, certains diront qu’elle s’est consumée… Mais je n’en crois rien, je suis certain qu’elle brûle encore. 
Depuis ce jour, l’enfant que j’étais fut persuadé d’une chose : Une église cela sert à chuchoter et à allumer une bougie. 

La deuxième fois que j’ai allumé une bougie, J’avais à peine 6 ans… c’était un soir de Noël. Les réveillons de Noël ont toujours été très intimiste par chez moi… Juste mon père, ma mère, la douceur du sapin de Noël et la crèche posée sur le rebord de la télévision. Ce soir là, je n’attendais qu’une chose : allumer la bougie qu’on avait pris soin de choisir avec maman pour souhaiter la paix et la fin de la famine dans le monde. On nous avait beaucoup parlé de cette initiative à l’école, à t-elle point qu’elle me paraissait importante cette bougie... et qu’elle allait à mes yeux changer la face du monde. Ce soir là, la cité de Noisiel, où je vivais, n’était plus la même. Des centaines de bougies étaient posées aux fenêtres. Elles semblaient se mouvoir, danser et même s’envoler. J’ignore où sont parties toutes ces lumières… Certains diront qu’elle n’ont servis à rien. Je n’ai pas vraiment la réponse, je sais juste que je ne les ai jamais revus par ici. 
Depuis ce jour, l’enfant que j’étais a compris une chose : une bougie à la fenêtre cela sert à envoyer de l’espoir loin… très loin d’ici

La troisième fois que j’ai allumé une bougie, j’avais tout juste 8 ans, c’était par une nuit d’orage. L’été, par forte chaleur, l’orage vient toujours gronder aux bords de l’Atlantique. Avec mes cousines, nous passions toujours les vacances chez Papi et Mamie. Les journées étaient rythmées de jeux, de rires et de légèreté. Mais ce soir là, un élément inattendu est venu perturber notre quotidien. L’orage a déchiré le ciel étoilé et a privé notre quartier d’électricité. Mes grands-parents se sont précipités au garage pour chercher une boite de bougies. Un peu effrayés au départ, nous avons vite trouvé du réconfort auprès de ces flammes réconfortantes. Les rires sont peu à peu revenus… Nous nous sommes même racontés de nombreuses histoires ce soir là… Oubliant d’ailleurs que l’orage était déjà bien loin. J’ignore où sont partis ces bougies d’été… Certains diront qu’elles se sont éteintes avec le retour du soleil… Mais je n’en crois rien. 
Depuis ce jour, l’enfant que j’étais a appris une chose : Une bougie, un soir d’orage, cela sert à chasser les tempêtes en se racontant des histoires.   

La quatrième fois que j’ai allumé une bougie, j’avais plus de vingt ans. C’était un soir de juin où mon coeur se déchirait. Mon grand-père, mon modèle… Venait de nous quitter. Toute la famille était parti dans le sud, sauf moi. Je me retrouvais là, coincé à Paris parce que mon travail m’empêchait de prendre le temps du deuil. J’ai haïe Paris comme jamais, ce soir là. J’ai haïe la distance, j’ai haïe les obligations, les futilités… J’avais besoin de mon moment, de mon recueillement. Alors j’ai sorti la plus belle photo de mon grand père. J’ai posé une bougie douce et solennelle à son chevet. Je l’ai contemplé toute la nuit… Pour la première fois, je l’ai vu s’éteindre… Je l’ai vu s’éteindre avant de fermer les yeux à mon tour. 
Depuis ce jour, le jeune homme que j’étais à appris une chose : Une bougie devant une photo, cela sert à accompagner des larmes et à se rapprocher des êtres qui nous manquent. 

Puis avec le temps, j’ai arrêté de compter les bougies. Comme celles qui s’accumulent chaque année sur un gâteau d’anniversaire. Elles sont importantes, elles sont majestueuses et victorieuses. Mes amis les applaudissent toujours avec ferveur en chantant gaiement... et c’est un bonheur de les savoir toujours a mes cotés. En soufflant mes tendres années, je remercie toujours le ciel d’être auprès de ceux que j’aime tout en laissant échapper l’espoir qu’il en sera toujours ainsi. 
Il est vrai que j’ai appris une chose : les bougies sur un gâteau d’anniversaire cela sert avant tout à sceller des amitiés. 

Et même si j’ai cessé de compter les bougies, il y en a certaines que l’on n’oublie pas… j’avais tout juste vingt huit ans. C’était un soir où Paris venait d’être blessée. Elle était calme, silencieuse, encore sous le choc. Nous venions de perdre tant d’amis, tant de soeurs, de frères, de fils et de filles en l’espace d’une seule soirée. Il n’y avait pas mots, pas de réconfort et pas vraiment d’espoir cette nuit là… Alors les bougies sont revenues place de la République… Pour accompagner nos chagrins, nos incompréhensions… Pour ramener de la lumière, peut être pas dans nos coeurs hélas, mais au moins dans nos esprits. 
Cette nuit là, près des gens que j’aime, Place de la République, j’ai compris que les bougies pouvaient rapprocher les Hommes.   

Il est vrai qu’il y a autant de bougies que d’injustice, autant de combats que de causes. Il n’y aura jamais assez de bougies pour toutes les douleurs du monde… Alors j’en allume autant que je peux, sans les compter… Tout en espérant que les enfants de demain allumeront les derrières et qu’ils se diront peut être: Moi je n’ai allumé qu’une bougie dans ma vie… Et qu’il garderont les autres, les importantes, les véritables, pour les soirs d’orages et les célébrations entre amis.    

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