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mercredi 3 octobre 2018

La Fée, le Grand-Duc et la couronne de feuilles d'automne (Les Contes et Légendes de Faery, sous le vent d'Automne)


L’automne s’était vite installé sur la forêt d’Eriù cette année-là. Ivan et Mirage trépignaient d’impatience sur le pas de la chaumière. Leur père, Gaïtan, rentrait des dernières foires de villages. Avec les jours un peu moins cléments qui s’annonçaient, il allait rester plus souvent à la maison auprès de la famille et cela ravissait les enfants.

Adélaïde, leur mère, terminait son travail journalier dans la petite basse-cour et le poulailler attenant à la chaumière. Elle commençait à s’agacer de voir ses enfants immobiles, face au chemin de rocaille, en espérant voir arriver leur père.

« Au lieu de ne rien faire tous les deux, allez donc à la forêt ramasser des feuilles d’automne pour confectionner la couronne que l’on accrochera à la porte » ordonna la gnomine avec un brin de malice.

Ivan et Mirage ravit se mirent à courir à travers Hevernesen pour rejoindre sans plus attendre l’orée du bois. Les deux enfants savaient que sur la route, ils finiraient par croiser leur père. Dans la forêt, tout en longeant un ruisseau calme et apaisant, ils commençaient à ramasser les feuilles d’automne qu’Adélaïde leur avait demandé. Très vite, ils entendirent dans le lointain, la carriole de Gaïtan qui peinait à rouler sur le sentier de terre et de racines qui traversait Eriù. Puis peu à peu, le sifflement de leur père qui entonnait des mélodies que les enfants connaissaient bien.
Sans plus attendre, ils s’avancèrent sur le chemin et finirent par rencontrer leur père. Il revenait avec une carriole vide. Ses ventes de meubles et de bois à la foire avaient été fructueuses. Pantoufle, sa mule, commençait à fatiguer et espérait arriver bientôt à la chaumière. Ivan prit le temps de donner une pomme à la pauvre Pantoufle avant de rejoindre son père sur la carriole. Mirage, qui était une fée de petite taille, s’était assise au milieu des cheveux hirsute de son frère. Elle essayait, tant bien que mal, de retenir dans ses mains le peu de feuilles qu’ils avaient récoltés.

« Et bien ? que faites vous dans le bois mes enfants ? » demanda Gaïtan, qui ne cachait pas sa joie de revoir Ivan et Mirage.

« Maman nous a envoyé chercher des feuilles d’Automne pour confectionner une couronne » Répondit le garçonnet.

Mirage questionna son père sur cette étrange tradition des couronnes d’automne. Ici à Faery, tous les habitants avaient pour coutume d’en confectionner une et de la conserver sur la porte des maisons jusqu’à la fin de la nuit de Samain.

« Ces couronnes sont très importantes. Elles servent à rendre hommage à une fée et un Grand-Duc qui entreprirent tous deux, il y a fort longtemps, le plus périlleux des voyages pour amener l’automne » confia Gaïtan.

« Une petite fée comme moi ? » demanda Mirage.

« Oui, elle n’était pas plus grande qu’un pouce… Je vais vous raconter ses mésaventures… »

Sur ces mots, Gaïtan ordonna à Pantoufle d’avancer. Il commença son récit avec enthousiasme tandis que la cariole les ramenait tranquillement jusqu’à la chaumière.

                                                           

Depuis fort longtemps, les saisons à Faery défilaient de la même manière. La neige laissait place aux fleurs de printemps, celles-ci laissaient place aux nuits chaudes de l’été qui elles-mêmes s’abandonnaient aux couleurs de l’automne.

Aucun habitant du royaume ne semblait s’interroger sur l’importance et la lourde tâche que représentait ce changement de saison. Depuis bien des siècles, ce travail revenait à une fée qui était désignée par le Gardien des fées en personne. Ce vieil homme vivait reclus depuis fort longtemps dans la région de Faé, peuplée des créatures les plus extraordinaires de Faery : Les licornes, les Sirènes, les lutins ou encore les fées. Le gardien des Fées était un homme bien ordinaire mais il avait été choisi par celle-ci pour être leur guide et leur protecteur. A chaque saison, le vieil homme choisissait parmi elles, la plus travailleuse pour opérer le changement de saison à travers le royaume.

C’était une tâche difficile qui demandait beaucoup de témérité et d’organisation. Cette année-là, le gardien porta son choix sur Una, la plus jeune des fées qu’il possédait. Una était une fée dynamique qui n’avait pas peur de relever des défis incroyables. Lorsque le gardien lui demanda de répandre l’automne à travers le royaume, Una fut très flattée. Elle savait l’importance de cette tâche. Les fées qui avaient déjà changé les saisons, lui donnèrent quelques conseils.

« Tu devras faire vite ! tu ne devras oublier aucune feuille, aucun arbuste ! » lui argumenta l’une.

« N’oublie pas de prévenir les animaux de la forêt qu’après toi l’hiver arrive et qu’ils doivent s’y préparer » conseilla l’autre.

Una constata assez vite que l’automne était sans nul doute la saison la plus importante et que sa mission n’allait pas être des plus simple. En quelques jours, elle devait parcourir tout le Royaume de Faery et apporter l’automne dans chaque forêt, chaque court d’eau, chaque foyer. Afin d’être prête et reposer avant son long voyage, Una s’offrit une journée de repos au bord d’un étang. Elle profita des derniers instants de l’été. Elle s’allongea sur une roche, au bord de l’eau et laissa le soleil caresser sa peau et ses ailes.  

Soudain, un crapaud qui se cachait sous les pierres lui sauta dessus et lui dévora les ailes sans réfléchir. Lorsqu’il s’aperçu qu’il venait de manger les ailes d’une fée, le crapaud confus, s’excusa.

« Malheur ! Pauvre demoiselle ! Pardonnez-moi cette gourmandise incontrôlée. Je vous ai prise pour une libellule. Elles se font rare en cette fin de saison. Je me faisais une joie de pouvoir encore en gober une ».

Una se regarda avec effroi dans le reflet le l’eau. Le crapaud lui avait bien mangé l’intégralité de ses ailes. Celui-ci avait beau s’excuser encore et encore, la jeune fée ne l’écoutait guère. Elle ne pensait qu’à son voyage pour préparer l’automne. Cette tâche lui semblait maintenant bien compromise. Elle ne pouvait pas se permettre de rater son travail. Faery avait besoin de l’automne pour que les cycles des saisons soit respectés. Una désemparée se mit à pleurer. Le crapaud bien mal à l’aise tenta de la réconforter mais les ailes d’une fée sont irremplaçables.

« Ce qui m’arrive là est bien triste. J’avais grand besoin de mes ailes pour la mission qui m’attend. Je dois répandre l’automne à travers le Royaume demain ! comment vais-je y arriver sans mes ailes ? Si j’échoue, le gardien des fées ne voudra plus de moi et je serais rejetée par les miens ! »

Le crapaud ne pouvait pas laisser Una dans un pétrin pareil. Il lui proposa de le suivre à travers bois pour demander du renfort.

« Il est hors de question que l’automne n’arrive pas par ma faute. Je me dois de trouver une solution ! Je vais t’aider petite créature »

La fée s’installa sur le dos du crapaud et tous deux, ils commencèrent à sillonner la forêt. Chaque sentier, chaque route, chaque chemin de terre ou de pierre, ils passèrent partout. Una répétait sans cesse à qui voulait bien l’écouter :

« J’ai besoin d’aide, d’un partenaire ou d’un ami pour m’aider à répandre l’automne à travers Faery »

A force d’arpenter les bois, le crapaud et Una furent suivis par un renard, un loup, une hermine, une licorne et un marchand qui passait par là. Una leur demanda tour à tour de l’aide mais chacun avait sa bonne raison pour ne pas accompagner la pauvre demoiselle. Le renard prétexta que sa malice ne remplacerait pas des ailes. Le loup, que son flaire ne lui serait pas très utile pour grimper aux arbres. L’Hermine, que sa rapidité ne vaudrait jamais le vol gracieux des fées. La licorne, que son galop ne suffirait pas pour parcourir le Royaume en si peu de temps. Le marchand, quant à lui, trouvait l’idée d’un automne qui ne viendrait pas assez intéressante pour son commerce.

Una comprit que personne n’était prêt à l’aider. C’est alors que perchait au sommet d’un vieux hêtre, un Grand-Duc apostropha la petite fée.

« Moi j’ai des ailes mon enfant ! je ne suis plus un hibou tout jeune mais je peux encore faire ce long voyage »

Una n’était pas rassuré par ce rapace. Dans la pénombre du bois, elle ne distinguait de lui que ses yeux ronds et luisants. Beaucoup d’animaux de la forêt se méfiaient des Hiboux. Ces oiseaux étaient avant tout des chasseurs. Una se demanda pourquoi le Grand-Duc lui proposait son aide. Lui, qui d’ordinaire n’aurait fait qu’une bouchée de la petite fée. Elle hésita longuement puis décida d’accepter son aide. Après tout, il était le seul dans ces bois à vouloir l’accompagner. Il possédait des ailes robustes malgré son âge. Una savait qu’elle ne devrait pas donner sa confiance à un oiseau qui serait capable de s’en faire son repas. Mais après réflexion, elle venait de se faire manger les ailes par un crapaud, en qui, d’ordinaire, elle aurait donné toute sa confiance.

La fée accepta donc la compagnie et l’aide du Grand-Duc. A la nuit tombée, elle le retrouva au pied du vieux hêtre d’où il n’avait point bougé. Una avait amené avec elle tout ce qu’il fallait pour préparer l’automne : ses plus beaux pinceaux et ses palettes de couleurs orangés, jaune et marron. Elle appela le vieil oiseau.

« Monsieur le Duc ! je vous attends, me voilà en bas de votre arbre »

Le hibou prit son envol. Un envol maladroit et approximatif qui ne ressemblait guère au vol d’ordinaire majestueux de son espèce. Le Grand-Duc manqua de peu son atterrissage. Il tenta de garder malgré tout sa prestance. Una commença à s’interrogea sur la capacité de cet oiseau à faire un si long voyage. Une fois qu’il fut à sa hauteur, la fée le dévisagea un peu plus longuement. Ce rapace était vieux et amoché par la vie. Il perdait quelques plumes et ses yeux embrumés étaient les témoins d’une vue faiblissante. Una ne voulait pas vexer l’animal. Elle se contenta donc de charger ses affaires sur le dos du Grand-Duc et de le remercier encore pour son aide précieuse.

« Mais c’est un plaisir pour moi jeune Demoiselle. A vrai dire, mon offre est tout de même intéressée. J’aimerai quelque chose de vous en retour »

Una prit peur. Elle craignait le pire venant d’un oiseau aussi fourbe. La jeune fée accepta d’écouter sa requête puisque de toute façon, le Grand-Duc était son seul moyen de faire venir l’automne.

« Je suis un vieil oiseau qui ne voit plus très bien. J’aimerai que tu m’aides à chasser encore quelques mulots comme dans ma jeunesse, et puis j’aimerai aussi que tu me ramène sur la montagne où je suis né ».

C’est donc ainsi que par cette dernière nuit estivale, Una et le Grand-Duc prirent leur envol à travers Faery. Ils commencèrent par déposer l’automne sur les arbres de Faé, puis ils survolèrent Eriù, Scarborough, Dana, Caravanserai et Dinchenshas. Ce voyage leur prit plusieurs jours. Ils marquaient souvent des haltes car le Hibou fatiguait vite.

Dans les sous-bois les plus généreux, Una aida le vieux Duc à chasser comme dans sa jeunesse. Il attrapait avec joie quelques mulots et quelques rats. La fée s’en amusait. Comme il était bon de le voir retrouver ses instincts perdus. Les deux acolytes formaient une belle équipe. Chacun apportait quelques choses à l’autre : Una était les yeux et le Grand-Duc avait les ailes.

Leur dernière étape fut la région de Teyrnon. Una s’y appliqua à déposer l’automne. Elle termina de peindre chaque feuille, chaque haute herbe et à annoncer aux animaux qu’elle croisait que l’hiver arriverait sous peu. Puis, comme promis, elle guida le Grand-Duc jusqu’à la montagne où il était né. Hélas pour le pauvre oiseau, sa vue avait fortement diminué durant le voyage. Il ne distingua pratiquement plus rien. Pourtant il avait sous ses yeux le plus beau coucher de soleil que l’on pouvait voir depuis les hauteurs de Teyrnon.

« Décris moi ce que tu vois petite fée ? »

Una se blottit dans les plumes du rapace et commença à lui décrire le paysage.

« Et bien nous sommes sur un plateau rocheux où ne poussent que quelques chardons et des fougères. Face à nous, nous avons des vallées, une étendue de collines verdoyantes où s’entre-mêle des ruisseaux et des cascades. A vrai dire ces collines vont bientôt changer de couleur puisque je viens d’y déposer l’Automne. Au loin, on voit le soleil qui se couche. Il est orangé, presque rouge. Il est immense, je n’ai jamais vu de si grand soleil… »

Le Grand-Duc esquissa un sourire et ajouta avec nostalgie.

« Oh oui, aucun doute, je suis bien chez moi… Tu sais quoi petite fée ? je pense que cet endroit est parfait pour terminer mes jours… Mais personne ne viendrait me pleurer par ici… Peux-tu me faire une promesse ? »

Una, touchée par les confidences et la sensibilité de l’oiseau accepta de lui tenir promesse.

« Promets-moi qu’un jour tu reviendras au sommet de ma montagne et que tu déposeras, ici même, une couronne de feuille d’automne, en souvenir de notre magnifique voyage ».

La nuit fut fraîche au sommet de la montagne. Una contempla la lune, les étoiles et les premiers détails de l’automne qui fleurissaient dans la vallée. Elle décrivait chacun de ces moments au Grand-Duc, bien blottit au milieu de ses plumes. Au petit matin, le Grand-Duc n’ouvrit pas les yeux. Il venait de faire son dernier voyage et de donner son dernier souffle au sommet de la montagne qui l’avait vu naître. Mais avant de partir, le hibou avait fait un cadeau à la belle Una… Des ailes… Des ailes remplies de plumes majestueuses comme les rapaces.
Una prit soin de couvrir son ami et de dresser une stèle, pour lui, au sommet de la montagne. Après ce dernier geste qu’elle lui devait bien, elle prit son envol et regagna Faé. Lorsqu’elle revint auprès des autres fées, une immense fête l’attendait. L’automne qu’elle venait de déposer n’avait jamais été aussi beau, plein de couleurs et d’harmonie. Le gardien des fées décida donc qu’Una serait désormais la seule fée à s’occuper de l’automne.

C’est ainsi que chaque année, depuis maintenant des siècles, elle dépose ses couleurs à travers le royaume avec l’aide de plusieurs Hiboux. Et dans son voyage, elle n’oublie pas d'honorer sa promesse. Elle revient toujours sur les sommets de Teyrnon, au pied de la stèle du Grand-Duc, où elle dépose une couronne de feuilles d’automne.

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