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vendredi 13 août 2010

Chronique 2010 : Les Racines...

Avant propos de la chronique :

Août 2010,

Natalia Da Silva a demandé à s’entretenir avec moi pour faire le point sur ma place dans la boutique Manoli. 

A dire vrai, je crains le pire. Il n’est pas impossible que ce soir je me retrouve sans emploi.

Ce matin, comme convenu, je me rends donc à ce rendez-vous dans un Starbucks Coffee non loin de la boutique. 

Je la vois commander son latte macchiato et sa viennoiserie avec le calme le plus olympien. Elle me demande même si je souhaite prendre quelque chose… Mais dans la situation actuelle mon estomac est peu gourmand. Je me contente d’un simple verre d’eau.    
A peine installé en terrasse, Natalia n’y va pas par quatre chemin. D’une manière très sèche, elle me parle de mes chiffres de ventes très médiocres, de mon approche client déplorable et de mon manque d’implication dans l’univers de la mode. 

« Aimez-vous vraiment la mode ? » 
Que répondre à cette question ? Bien évidemment que non. Je ne m’intéresse pas à la mode… Je fais ce job pour payer mon 20m2. 

Je ne vais tout de même pas lui dire que la seule chose qui m’anime dans la vie c’est l’écriture !

Après avoir promis à Natalia que j’allais faire des progrès dans les jours à venir, je retourne à la boutique. Une cliente entre. Cette fois je prends les devants et lui saute dessus pour conclure une vraie vente. 

Cette dame est sympathique. Tandis que je l’aide dans ses achats, elle me parle de son métier de voyante et de magnétiseuse. Je l’écoute d’une oreille mais ce qui m’importe surtout, c’est qu’elle passe à la caisse pour sauver ma carrière. 

Entre deux essayages, je lui demande de me faire une petite séance improvisée dans la boutique. En prenant simplement ma main, elle commence à lire en moi : 

« Vous n’êtes pas à votre place ici, vous avez oublié Ivan »

Cette annonce me glace le sang. La cliente assiste avec incompréhension à ma décomposition. Sans plus attendre je pars me réfugier dans le stock. 

Ivan, n’est pas n’importe qui, c’est vrai…  C’est le héros de mon livre : le Royaume de Faery. Ce livre que je n’arrive pas à achever depuis tant d’années.

Une nouvelle vente qui me file entre les doigts, sous l’oeil désespéré de Natalia. Elle me donne néanmoins une dernière chance de faire mes preuves en me transférant dans la boutique du Printemps Haussmann à Paris. 

Je n’arrive pas à oublier cette femme et sa déclaration plutôt troublante. Et si je faisais vraiment fausse route ? Et si je devais donner plus de place à l’écriture de mon roman ? 

Ces questions, je les emmène avec moi au Pays Basque où je pars retrouver ma famille pour quelques jours…  







Je pense que ce qui m’a permis d’avoir une aussi grande liberté de penser, de découvrir, de partager et d’apprendre… Ce sont mes racines. Il m’apparaît évident que nos racines sont le phare… La lueur, la promesse que notre route n’est pas vaine.

Les années passent et filent… Les générations se côtoient, se séparent… disparaissent puis s’oublient. Personne ne laisse une trace sur cette terre, juste un claquement de porte brutale derrière soi… Des souvenirs sans âmes… Définitivement incompris pour ceux qui sont restés.

J’ai beaucoup médité sur mes racines ces dernières années… Pourquoi suis-je ce que je suis. Pourquoi et par quel hasard je me retrouve ici, à ce moment donné… Et si les souches de ma vie en détenaient les réponses ?

Tradition faite depuis mon enfance, l’été est l’occasion de rejoindre un peu le pays de mes racines et d’oublier un instant Paris. Une visite chez Papi et Mamie dans leur maison près de Capbreton. Je me souviens encore de ce sentiment qui m’habitait quand j’étais gamin… Cinq heures de train de Paris jusqu’à Dax, un regard par la fenêtre, un défilé de paysages, de villages qui ne m’inspiraient qu’ennuie et lassitude.

Puis une fois Bordeaux derrière nous, la douce apparition des forêts de Pins annonçant l’arrivée au pays. Je me souviens de cette quiétude qui m’envahissait en découvrant ces colonnes végétales à perte de vue. C’était comme si, tout en lorgnant ce décor familier et rassurant, je pouvais déjà imaginer Mamie nous attendant à la gare, impatiente… 

L’odeur déjà accessible à mes narines du bon repas dormant dans le four. Le chant calme et espiègle des tourterelles et le bruit vif et indomptable des vagues. 
En grandissant, ce sentiment que je croyais éphémère, ne s’est pas dissipé… preuve en est que mes racines s’entre-croisent dans les Landes. 

Avec l’âge, j’ai cherché à comprendre et apprivoiser cette sensation que je croyais si personnelle.
Ma mère… Mon père… Mes grands-parents n’ont-ils pas eux mêmes ressenti par le passé, cette force, ce goût d’appartenance à une terre ? 

Connaître et partager ce sentiment tous ensemble nous permettrait surement de remonter encore un peu plus le sentier de nos racines. Cette dernière visite au pays fut l’occasion de partager avec ma grand-mère.

Je m’intéressait depuis longtemps à la vie, la jeunesse et le parcours de mes arrières grands-parents. Mais je n’osais pas trop demander à ce qu’on me raconte leur histoire.  

J’entendais si souvent ma grand-mère et ma mère parler d’eux… J’étais friand de ces anecdotes étant petit… Il me semblait qu’elles m’appartiendraient toujours. Seulement, la vie est ainsi faite… Un jour viendra où ma chère Grand-mère ne sera plus là pour me confier ces bribes d’histoires tout en rigolant.

J’ai donc décidé cette fois-ci d’inscrire avec attention tout ce que Mamie pourrait m’apprendre de ses parents que j’ai toujours nommé Aitatxi et Amatxi (Traduction : Grand Père et Grand-mère en Basque). 

Ma grand-mère n’est pas landaise. Son l’enfance, elle l’a passé au Pays Basque, à Saint Jean de Luz plus précisément. Elle a grandi dans une modeste ferme. 

J’adore le Pays Basque, il n’y a pas de terre plus généreuse et calme. C’est toujours une réelle source d’inspiration pour moi que de partir sur les routes d’Espelette, de Dancharia ou de Sare. Bien au-delà de mon appétit artistique, le Pays Basque c’est aussi le régal des babines… Une cuisine que je rêverais d’emporter partout avec moi ! 

Tout en griffonnant sur un cahier, attentif aux moindres détails que ma grand-mère partageait à propos d’Aitatxi et d’Amatxi, il me semblait être parti pour un long voyage sur un sentier familier mais pourtant jusque-là inconnu.

Ces vies étaient empreintes de lyrisme, presque romanesques. Par instant, j’oubliais la véracité des faits, imaginant Mamie lire simplement un Roman d’Hugo ou de Zola, tel Les Misérables ou Germinal. 

Pourtant les confidences qui se jouaient cette nuit-là dans l’intimité du salon, ne parlaient pas d’un passé inaccessible, mais uniquement d’une page de nos vies tout juste tournée...

Celle d’un arrière grand père abandonné à l’assistance publique de Paris, de son long voyage avec son frère jusqu’au Pays Basque où il trouva une famille d’accueil mais aussi une appartenance, une place. 

Celle d’une arrière-grand-mère, fille ainée de paysans, placée dès son plus jeune âge en tant que demoiselle de maison chez un écrivain anglais, riche propriétaire de Saint Jean de Luz. 

L’histoire de leur amour interdit et d’une Guerre mondiale qui les a séparé plusieurs années. Comment expliquer que je retrouvais curieusement dans leurs vies, une part de mes racines… Que j’y décelais le parfum de Paris et les délices de l’écriture.

Dévorant ces vies à la fois si humbles et tant miséreuses, j’imaginais, je ressentais l’odeur des sentiers qu’Aitatxi suivait à toute allure sur sa vieille bicyclette. Les brises légères des bords de mers où Amatxi aimait méditer. J’entendais l’orchestre des fêtes basques sur la place de Saint Jean… 

J’avais cette sensation qu’ils n’étaient finalement jamais partis loin de nous. Nous avions juste cessé de les voir… 

Plus tard, dans les confidences de ma grand-mère, nous évoquâmes la mère d’Amatxi qui n’était pas du pays. Elle avait grandi en Argentine et était arrivée en France au début du XXe siècle. Dernière étape sur le long courant de mes racines. 

C’est donc là-bas que mon voyage se termine et que ma destinée a démarré. Comme j’aimerai, un jour, remonter les rues de Buenos-Aires avec la force de mon histoire.


Les rues de cette ville… d’où part mon grand voyage, cette valse qui redescend les boulevards bruyants de Paris.  Cette valse que je poserai un jour sur le papier en pensant aux Pays et à ceux qui ont guidé mon chemin bien avant qu’il ne se dessine…

4 commentaires:

  1. ce texte et sublime j'adore cela souleve plein de questions je trouve ca super interessant,j'aime beaucoup venir sur ton blog.
    bizz bizz
    Asco

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  2. MAGNIFIQUE ! Julien ce blog est génial. J'ai hâte qu'il grandisse avec toi. En tout cas j'espère que touS tes rêves vont se concrétiser.

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  3. Coucou,

    C'est un très beau texte que voilà ! C'est vrai que cela fait réfléchir...
    Dans un monde où l'on recherche de plus en plus une certaine liberté de vie, c'est assez paradoxal de voir qu'au final il y a toujours un endroit où l'on sait qu'on sera toujours à la "maison". Comme si un cordon n'avait pas été rompu au fil des âges.
    Ma famille étant un peu éparpillée et sans réelle origine, il n'y a qu'un seul endroit où les souvenirs restent gravés dans mon coeur : chez mes grands parents. J'y ai mes plus beaux souvenirs de Noël, la campagne humide de la Sarthe, ses rillettes...et les parties de pêches avec papy...

    Tu crois que nous pouvons avoir plusieurs racines ? Mon coeur est chez mes grands parents....mais mon corps entier vibre et se sent vivant au son de l'océan. Peut-être un appel qui résonne à travers les âges dans l'adn... qui sait ?

    En tout cas il ne faut jamais oublier d'où l'on vient, même si nous ne sommes pas toujours d'accord avec notre famille c'est ce qui fait que nous sommes ce que nous sommes aujourd'hui.

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    1. Je pense que nous choisissons où nous voulons poser nos racines. Les gens voyagent, déménagent, bougent et puis un jour ils se disent : oui, c'est ici chez moi !
      Alors parfois cela peut être la terre qui les a vu naitre, vu grandir ou même un endroit qu'ils ne connaissaient pas et qui leur était étranger. Peu importe...
      Bien sûr que nous pouvons avoir plusieurs racines... Imagine la grandeur des racines d'un arbres. Ses racines vont dans tous les sens. Elles n'ont pas de limites, pas de frontières, je pense que nous avons les mêmes racines qu'un arbre. Nos racines peuvent nous conduire dans des recoins insoupçonnés où l'on sera toujours chez nous.

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