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vendredi 19 octobre 2018

La Promesse des Loups (Les Contes et Légendes de Faery, sous le vent d'Automne)



Une nouvelle journée d’automne était sur le point de s’achever dans le Royaume de Faery. Gaïtan et Adélaïde s’étaient rendus en carriole à un marché d’Automne dans la région de Teyrnon avec leurs enfants, Ivan et Mirage. Après une journée agréable, ils prirent la route pour rentrer à Hevernesen. 

Cette route était longue et monotone. Très vite la nuit s’installa dans les forêts. Adélaïde alluma une lanterne pour éclairer le sentier. Pantoufle, la mule de la famille, avançait d’un pas décidé. Elle connaissait la forêt par coeur, tant elle empruntait souvent ces chemins en compagnie de Gaïtan durant l’été. 

Les enfants, Ivan et Mirage commençaient à tomber de sommeil. Mais il n’arrivait pas complètement à trouver le repos. Les bois sombre les inquiétaient quelque peu. Par les nuits d’automne, on pouvait entendre toute sorte de bruits étranges dans la forêt d’Eriù. Le hurlement des chouettes, le cris des chauves-souris ou encore les pas des loups qui rodaient dans les broussailles.

Ivan n’était pas très rassuré mais Adélaïde était là pour réconforter le petit garçon. Il lui semblait par moment qu’un étrange loup noir au yeux luisant suivait leur carriole. 

« Un loup nous suit ! je vous dis que je l’ai vu j’en suis sûr ! » s’exclama Ivan. 

Gaïtan se mit à rire. Il rappela au jeune Ivan que les loups étaient des êtres bien peureux qui restaient souvent à l’écart des Hommes. S’en suivit un long hurlement qui semblait assez proche. 
Il n’en fallu pas plus pour que Mirage commence à avoir peur elle aussi. 

« Ne vous inquiétez pas les enfants… Ce n’est que Sylenn, la petite fille élevée par les loups. Elle appelle sa famille perdue dans la nuit » rassura Gaïtan tout en allumant sa pipe.

Les deux enfants se rapprochèrent de l’avant de la carriole d’où Gaïtan guidait Pantoufle. Ils savaient que le gnome allait leur raconter une histoire. 

« Durant l’automne les routes d’Eriù sont hantées… Si vous tendez l’oreille, vous pourrez percevoir le son d’une charrette avec à son bord, un femme et un homme qui appellent la jeune Sylenn » 

Gaïtan fit arrêter Pantoufle et laissa les enfants écouter les bruits de la forêt. Les enfants tendirent l’oreille et restèrent silencieux. Grâce à leur imagination fertile, Ivan et Mirage s’imaginèrent entendre la charrette et des gens appeler le prénom de Sylenn. 

« Oui je les entends ! » s’exclama Ivan prit entre excitation et inquiétude. 

« Maintenant il faut encore attendre… Sylenn va leur répondre… » chuchota Gaïtan. 

La famille attendit dans le calme… Après un petit moment, ils entendirent à nouveau le hurlement d’un loup… Gaïtan fit un signe aux enfants pour leur justifier que Sylenn venait de répondre. 

« Pourquoi hurle t-elle comme un loup si c’est une petite fille ? » demanda Mirage qui souhaitait en savoir plus. 

« Vous comprendrez tous mes petits lorsque je vous aurez raconté son histoire… »

Sur ces mots, Gaïtan ordonna à Pantoufle de reprendre sa marche… La carriole s’enfonça dans les bois sombre, chassant les peurs de la nuit… Car les enfants étaient désormais captivés par le récit de leur père.     




Il était une fois, par une nuit sombre d’automne, un vieux marchand s’aventurant sur les routes de la forêt d’Eriù. Il avait quitté sa chaumière avant le crépuscule, emportant avec lui, dans sa carriole, quelques affaires et sa petite fille Sylenn. La jeune enfant ignorait où son père la conduisait. Elle n’avait que rarement emprunté ses chemins ombragés. La forêt lui semblait austère et mystérieuse. Le marchand était bien pauvre et n’arrivait plus à offrir une vie respectable à sa famille. 

Après plusieurs heures de route, le vieil homme arrêta sa charrette au pied d’une stèle qui annonçait les routes menant vers Teyrnon et Scarborough. Il jeta le sac d’affaires sur le chemin de boue parsemé de feuilles d’automne. A l’intérieur de ce sac, se trouvait quelques vêtements usés appartenant à la petite fille, ainsi que du pain sec et des épis de maïs. Le marchand ordonna à sa fille de descendre. Celle-ci, aux bords des larmes comprit ce qu’il se tramait. Elle s’exécuta et ramassa les quelques affaires qui s’étaient éparpillées sur la route. 

Le marchand lui conseilla de continuer son chemin jusqu’à la cité de Riùn ou celle de Scarborough. Il espérait que sa petite fille rejoindrait les grandes villes et se trouverait une nouvelle famille. Sans adieux, ni larmes, il rebroussa chemin. Sylenn regarda la carriole disparaître dans cette nuit humide et sans lune. Elle resta longtemps adossée à cette stèle, espérant voir revenir son père. Mais lorsqu’elle comprit que celui ci l’avait bel et bien abandonnée, elle décida de suivre son conseil. Elle se mit à marcher en direction de la cité de Scarborough. 

L’enfant était trop jeune pour s’orienter dans ce vaste bois. Elle quitta le sentier sans s’en rendre compte. Elle s’enfonça dans cette forêt obscure où l’on pouvait entendre le cri des chouettes et le hurlement des loups. Visiblement perdue, la jeune Sylenn, apeurée et fatiguée, trouva repos au bord d’une rivière où les feuilles d’automne venaient se noyer. Au fil de la nuit, la petite fille sentit une présence autour d’elle. Une présence à la fois rassurante et intrigante. Une meute de loups. Une meute sage et discrète. 

Après avoir observé longuement l’enfant, plusieurs louves s’approchèrent d’elle. Elles vinrent lui tenir chaud et la réconforter. Elle conduisirent Sylenn à travers les bois, jusqu’à leur repère. 
Les loups vivaient dans une clairière calme où les bruits de la forêt laissaient place au silence et à l’apaisement. Les louves présentèrent la jeune enfant à leur chef, Carron. C’était un loup imposant. Il possédait des yeux verrons qui inspiraient la crainte. Sur son visage, on pouvait voir les nombreuses cicatrices, les blessures qui lui valaient d’être respecté et d’occuper son rang. 

Carron s’était toujours méfié des Hommes. Il refusa que Sylenn entre dans la meute. Carron pensait avant tout à la sécurité des loups. Il demanda aux louves de raccompagner l’enfant sur les routes de Faery et de l’y laisser continuer son voyage. Un loup, touché par la détresse de l’enfant pris soudain la parole. Tous s’étonnèrent de le voir s’intéresser au sort de la petite fille. Ce vieux loup, s’appelait Fife. C’était un solitaire qui vivait souvent à l’écart de la meute. Fife demanda à Carron de lui permettre d’élever Sylenn. Il lui promit qu’il la garderait éloigner des autres loups et que jamais elle ne mettrait le clan en danger. 

Carron accepta la proposition de Fife. Celui-ci éleva donc l’enfant comme un loup. Il lui apprit à chasser, à être solitaire et à craindre les Hommes. Plusieurs années passèrent. Avec les saisons, Sylenn oublia son passé douloureux et la vie dans son village d’Eriù. Elle aimait Fife comme s’il était son père. Carron aussi baissa la garde avec le temps. Le chef de la meute, se rendant compte que l’enfant était devenue l’une des leurs, lui offrit une vraie place aux côtés des loups.        

Un jour d’automne, Carron réunit son clan afin de les avertir. Les Seigneurs et les Rois de Scarborough venaient chasser depuis plusieurs semaines sur la terre des loups. De fait, le gibier et la nourriture se faisaient rare pour la meute. Le chef décida donc qu’il était temps de quitter les forêts d’Eriù et de partir plus au nord. Beaucoup de loups de la meute étaient inquiets. Bon nombre d’entres eux n’avaient connu que ces bois et ignoraient comment se nourrir dans les vallée du nord. Fife qui avait beaucoup voyagé, proposa à la meute de partir en direction de la région de Teyrnon. Là bas, les Hommes élevaient beaucoup de moutons, de chèvres et de brebis. Il était donc facile pour les loups de se nourrir. 

Le voyage dura plusieurs jours. Lorsqu’il arrivèrent dans les vallées, les loups se rendirent vite compte que chasser les troupeaux des Hommes leur serait très difficile. Les bergers qui avaient trop souvent perdu leurs bêtes, se déplaçaient désormais avec des chiens et ne laissaient plus les brebis, les chèvres et les moutons seuls dans les collines. Carron savait que sa meute était affamée et fatiguée. Il demanda de l’aide à la jeune Sylenn. Elle qui était une enfant des Hommes. Sylenn accepta d’honorer la requête de son chef. 

« Nous avons besoin de ton aide… Pars au village, fais-toi adopter par les Hommes, gagne leur confiance… Et n’oublie jamais la promesse que tu as faite à la meute : celle de nous permettre de nous nourrir d’un troupeau »

Fife conduisit Sylenn jusqu’au village des Hommes avant l’aube. Un petit village en bas de vallée qui portait le doux nom de Barrière. Une fois arrivée sur la place endormie, Fife fit ses adieux à l’enfant et repartit dans le brouillard des collines avoisinantes. Les premiers à ouvrir la porte de leur chaumière à Sylenn, furent un couple de bergers qui se nommaient Flore et Guildbert. Ils se montrèrent adorables avec la petite fille. Il lui donnèrent de quoi manger, se réchauffer et se reposer. Le couple était étonné de voir les attitudes presque animales de l’enfant. Ils comprirent très vite qu’elle avait grandi aux côtés des loups. Même s’ils avaient envie de donner tout l’amour possible à Sylenn, Flore et Guildbert savaient que sa présence signifiait que les loups étaient de retour dans la vallée.    

Ils décidèrent d’informer les autres habitants de Barrière durant une réunion à la taverne du village. Beaucoup s’inquiétaient déjà pour les troupeaux. Les voix commençaient à s’élever. Certains allaient jusqu’à demander le départ de la petite Sylenn. 

« C’est elle qui a ramené les loups à Barrière ! vous devez la reconduire dans les bois d’Eriù pour que la meute reparte ! » Hurla l’un des bergers.

Guildbert refusa d’abandonner l’enfant et fit une promesse aux habitants du village. 

« Sylenn restera à Barrière. Cette petite mérite notre amour ! je vous promet qu’aucun troupeau ne sera attaqué. Les loups repartiront d’eux même si nous restons attentifs dans les vallées » 

L’enfant-loup était touchée que l’on prenne sa défense. Flore et Guildbert gardèrent donc Sylenn dans leur chaumière. Ils lui apprirent à s’occuper des bêtes et l’amenèrent souvent dans la vallée où les loups rodaient toujours. Le soir, au coin du feu, les rires et les chansons offraient, à la petite fille, l’amour dont elle avait été privée. Les loups s’inquiétaient de plus en plus de ne pas voir revenir Sylenn. Ils commencèrent à se demander si l’enfant ne les avait pas trahi.

Au beau milieu de la nuit, Fife, se rendit au pied de la fenêtre de Sylenn et appela discrètement son nom. Elle ouvrit le volet et caressa tendrement celui qui lui avait sauvé la vie il y a bien longtemps. 

« Je suis si heureuse auprès des Hommes ! Je ne te remercierai jamais assez Fife de m’avoir conduit ici » Déclara la petite fille. 

Fife mal à l’aise, constatait le bonheur de l’enfant. Il essaya de la ramener à la raison. 

« Sylenn, tu ne peux pas rester au village, la meute à besoin de toi. N’oublie pas la promesse que tu as faite à Carron. Ne t’attache pas aux Hommes » lui rappela le vieux loup. 

Les mots de Fife rappelèrent à l’enfant ô combien la vie auprès du clan lui manquait. La chasse, les forêts et la liberté qui étaient caractéristiques de la vie des loups.  

Durant l’automne, les paysans de Barrière aimaient faire la fête. Ils profitaient des nuits encore douces pour danser, jouer de la musique et s’adonner à des jeux enfantins. Ici, comme partout à travers Faery, on préparait l’arrivée prochaine de l’hiver et on célébrait les fées qui venaient apporter l’automne. Sylenn était heureuse parmi ses villageois. Elle aimait les voir rires. Elle aimait leur partage et leur simplicité. Souvent durant ces fêtes, elle apercevait les loups au loin dans la vallée qui semblaient toujours l’attendre. La jeune enfant savait qu’elle avait devoir faire un choix. 

Par un matin brumeux, Guildbert qui se sentait un peu malade, demanda à Sylenn de conduire seule le troupeau dans la vallée. Flore prit soin de lui préparer un repas et une boisson chaude qu’elle emporta avec elle sur la route qui quittait Barrière. Les deux bergers la regardèrent partir avec amour et fierté. Cette confiance mettait Sylenn dans l’embarras… Elle ne pouvait se résoudre à leur faire de la peine. 

Une fois dans la vallée, Sylenn laissa les brebis et les moutons gambader à leur guise. Elle se posa sur une stèle et commença à manger les friandises que lui avait préparé Flore. Très vite, la jeune enfant vit les loups commencer à roder près du troupeau. Sylenn hésita un instant à les chasser… Puis elle se rappela de cette nuit lointaine. Cette nuit où son père l’avait abandonné. Elle se rappela de l’amour des louves, de la bienveillance de Fife et de la confiance que lui avait accordé Carron. 

Sylenn devait se résoudre à faire un choix. Elle décida de redevenir cet enfant-loup au coeur indomptable. Elle escalada la vieille stèle et une fois à son sommet, poussa un long cri semblable à celui des loups affamés. Les brebis et les moutons comprirent très vite que Sylenn les avaient trahis. Mais ces bêtes inoffensives ne pouvaient rien faire face à la force et la puissance de la meute. 

Une fois qu’ils eurent mangés, les loups entendirent les habitants en colère qui arrivaient. Ils avaient entendu les hurlements des loups dans la vallée. Les villageois savaient pertinemment le carnage qu’ils avaient causé. Carron ordonna à la meute de partir et de rejoindre les forêts. Sylenn regarda une dernière fois Barrière, en contre bas de la vallée. Elle aurait tant voulu y retourner… Mais le choix qu’elle venait de prendre la séparait à jamais des paysans, de Flore et Guildbert. En larme, elle grimpa sur le dos de Fife et quitta Teyrnon sous les hurlements de désespoir.   

Bon nombre de bêtes étaient morte. Les habitants comptaient les pertes avec tristesse. Guildbert et Flore cherchèrent longuement l’enfant-loup en vain. Les villageois accusèrent la petite, persuadés qu’elle avait finalement rejoins les siens. Qu’elle s’était moquée de leur confiance qui et jouée de leur générosité. Flore et Guildbert ne pouvaient se résoudre à croire cela. Ils craignaient qu’il lui soit arrivé malheur. Qu’elle soit seule, perdue dans la vallée ou dans les bois.  

Durant des jours, le couple parcourut les routes des régions de Teyrnon et d’Eriù. Ils espéraient retrouver Sylenn et la ramener à la maison. Mais la meute était déjà partie bien loin. 

La légende n’en dit malheureusement pas plus sur l’enfant-loup, sur sa meute et sur les deux bergers de Teyrnon. Mais durant les nuits d’automne, il n’est pas rare d’entendre encore Guildbert et Flore appeler Sylenn et la petite fille perdue, hurler sa tristesse sous le clair de lune. Preuve qu’après tant d’années, ils ne se sont toujours pas retrouvés…  

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