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dimanche 25 février 2018

Chronique 2015 : Il n'était plus là

Avant propos de la chronique : 
Ecrite fin octobre 2015, cette chronique est le reflet d'un instant court et fugace de ma vie. Entre août et novembre 2015, je travaille pour la boutique du pâtissier Pierre Hermé à Saint Germain des Prés. Je retrouve alors Paris et son rythme infernal... Dans cette chronique, il est question de Pépé, un sans abris qui était devenu, au fil du temps, un visage familier de mon quotidien parisien. Ayant quitté les boulevards de Paris entre 2011 et 2015, j'espérais le retrouver, après tout ce temps, dans les dédales des couloirs de métro...  



Je déteste le passage à l’heure d’hiver. Ce moment de bascule où la nuit l’emporte sur le jour. J’éprouve comme un malaise, une tristesse… Presque un deuil des soleils passés. 
Ce soir, la pâtisserie de la rue Bonaparte était calme et sans bruits. Les parisiens semblaient s’être tous enfermés chez eux. Ma collègue Charlotte réapprovisionnait la vitrine de chocolat, Audrey comptait la caisse en prévision de la fermeture et je commençais à ranger les derniers macarons et les quelques pâtisseries invendues.

Comme chaque soir, une fois le rideau de la boutique baissée, nous nous sommes partagés les dernières gourmandises. Mais depuis quelques mois, mon estomac commençait à tirer la sonnette d’alarme. Il serait grand temps d’arrêter de succomber à l’appel du sucre. Il m’est soudainement venu une idée… je savais à qui ses pâtisseries offriraient le plus grand bonheur : un ami, que je n’ai pas revu depuis bien années.

Lui, il s’appelait Pépé… Je le croisais chaque matin, ce vieux monsieur, du temps où je travaillais dans les Grands magasins puis au siège de la banque. Il était toujours là devant les Escalators qui menait vers la ligne 7. Assis en tailleur, son chien couché à ses pieds, il tendait un gobelet en carton en direction des gens pressés et insensibles. Nous avions noué un lien particulier avec le temps, il m’est arrivé bien plus d’une fois de lui offrir un café ou de lui donner l’intégralité de mes coupons restaurants. 

Pépé faisait parti de ces visages qu’il me faisait plaisir de croiser chaque matin sur la route du travail. J’aurai voulu faire bien plus pour lui. Je n’étais qu’un peu de chose dans cette capitale. Je savais que Paris m’exploitait et me piétinait mais lui, Paris l’avait tout simplement oublié.  La vie s’est joué de nous et de nos petits arrangements, j’ai changé de travail, quittant les couloirs de métro… M’en allant travailler loin de Pépé et des extravagances parisiennes. 

Mais depuis quelques mois, me voilà de retour… Et il est vrai qu’il ne m’est pas venu à l’idée de passer par la station Opéra pour le retrouver. J’appréhendais de le revoir, après toutes ses années. J’avais le sentiments de l’avoir abandonner… D’avoir trop vite tourné la page sur son histoire, comme tant de gens le font pour garder leur bonne conscience. En quittant la boutique de Pierre Hermé, j’ai remonté le boulevard Saint Germain, qui se tapissait peu à peu de feuille morte. Tout en suivant la longue série de réverbères, je me suis engouffré dans les couloirs du métro avec hâte. 

En arrivant à ma station, je découvris qu’il n’était plus là. Tout semblait comme autrefois… La poubelle contre laquelle il s’adossait, les Escalators usés et grinçant. Les sols jonchés de tickets abandonnés, de crachats et de chewing-gum décolorés… Oui tout était comme autrefois mais il n’était plus là. 

Avec mon carton de pâtisseries j’ai arpenté quelques couloirs en espérant le retrouver plus loin… Mais rien. Alors j’ai commencé à m’en vouloir… Je me devais de veiller sur lui, et je ne l’ai pas fait. Un autre sans-abris de la station est venu à ma rencontre, lorsque je lui ai évoqué Pépé, il m’a dit que cela faisait plusieurs années que personne ne l’avait revu par ici. Où était-il ? tant de scénario ont traversé ma tête… Hélas j’avais peu d’espoir le concernant. J’ai laissé mon carton de pâtisseries à cet autre monsieur avant de monter dans le dernier métro.   
   
Je déteste le passage à l’heure d’hiver. Ce moment de bascule où la nuit l’emporte sur le jour. J’éprouve comme un malaise, une tristesse… Et en plus ce soir, dans ce train qui me reconduit à la maison, je dois faire le deuil des soleils passés. 


2 commentaires:

  1. Je ne sais pas si tu as eu des nouvelles depuis, mais ne te reproche rien en tout cas. Des fois il y a des personnes qui sont destinées à croiser notre route pour une raison, et qui disparaissent lorsque la mission qui leur était allouée est accomplie.
    Il faut croire que ce monsieur avait un rôle à jouer dans ta vie, je ne sais pas lequel car je ne te connais pas mais regarde déjà il t'a fait écrire quelques chroniques. Peut-être que ces chroniques ont un contexte particulier, en tout cas il est là et il le sera toujours grâce à toi. Et rien n'a plus de valeur qu'une pensée sincère pour une personne.

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    1. Non malheureusement je ne l'ai jamais revu. Aujourd'hui je vis loin de Paris et des couloirs de métro mais j'ai toujours une pensée pour lui. Je reste ce garçon fragile à la vie précaire... Je me sentirai toujours plus proche de lui que de beaucoup de gens arrogants et élitistes. Merci pour ton message.

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