Cher Journal... Bienvenue à Bergère
Fin septembre 2010,
Je dois avouer que Romain a vu juste pour ce nouveau boulot ! Aujourd'hui, me voilà de nouveau dans un costume-cravate à dévaler à toute vitesse les Escalators des couloirs de métro. En à peine quelque jours, j'ai eu deux entretiens, d'abord en français puis en anglais... et j'ai décroché un poste d'hôte d'accueil pour le siège internationale d'une grande banque parisienne.
Pour mon premier jour, je suis attendu à 9 Heures dans le hall de la banque, au 14 rue Bergère à Paris. Je déteste les premiers jours... J'ai toujours un stress incroyable, une peur panique d'être en retard, de me tromper d'adresse ou pire d'être viré dans la seconde. Du coup, ce matin, je suis parti d'assez bonne heure de chez moi pour m'assurer d'être dans les temps.
En sortant de la bouche de métro, je découvre ce grand bâtiment qui abrite ma banque. J'avoue être assez impressionné... Même très impressionné... Mon estomac se noue. Je regarde ma montre, il est à peine 8 heures, je suis dans les temps. Comme j'ai pas mal d'avance, je m'arrête dans un café-bar irlandais le " O' Sullivan" pour prendre un petit déjeuner dans les règles de l'art. En bon français que je suis, je commande sans réfléchir un croissant et un café serré... Mais en parisien smicard que je reste, je découvre qu'il me faudra 8 mois pour éponger les dettes de cette petite faim.
9 heures arrive, je me rapproche donc du siège de la banque. En poussant la lourde porte d'entrée, je découvre un hall gigantesque. Je n'en crois pas mes yeux... J'ai subitement envie de pisser. Je ne sais pas si c'est dû au stress ou si c'est simplement le café qui appuie déjà sur ma vessie.
Perdu au milieu de ce hall monumentale, il y a un petit accueil et une rangé impressionnante de portique de sécurité. Une jeune fille m'y attend et s'empresse de m'apostropher : "T'es le nouveau ! Et beh enfin ils se sont décidés à embaucher quelqu'un !"
Cette fille en question s'appelle Sofia. A peine ai-je le temps de m'assoir qu'elle commence déjà à me montrer les logiciels de réservations de salles de réunions, les horaires des visio-conférences avec New-York, Tokyo, Londres et Amsterdam, à m'expliquer comment créer les badges visiteurs et prévenir les directeurs du bâtiments de leurs différents rendez-vous.
Je la trouve bien pressé de tout me montrer. J'essaye de prendre des notes pour ne rien oublier mais j'avoue que Sofia ne s'éternise pas sur les procédures et elle commence légèrement à me coller un sévère mal de crâne : "Pouvez-vous aller moins vite pour que je puisse tout noter ?" Sofia me jette un regard peu enclin à vouloir être plus pédagogue. "Euh... j'ai pas le temps d'aller doucement, aujourd'hui c'est mon dernier jour, j'ai posé ma dem'... à partir de demain t'es tout seul à l'accueil alors t'as plutôt interêt à tout bien retenir !"
Face à cette annonce complètement inattendue, mon sang se fige. Cette fois c'est gagné je flippe... Comme je le disais plus haut : Je déteste les premiers jours ! Sur le long bureau de l'accueil, je découvre un alignement de photos de gens visiblement très important dans ce bâtiment. Sur l'une des photographies, je m'étonne de voir écrit au marqueur rouge "ATTENTION !!! Ouvrir le portique !!!" Sofia me présente une à une les personnalités sur ces photos, allant du directeur général en passant par l'adjoint et le trésorier puis elle en vient à me parler de cette dernière image barbouiller de marqueur : "Elle c'est Madame Zeitoun, c'est la directrice de l'accueil... Tu dois absolument retenir son visage, elle n'a jamais son badge sur elle et exige que l'accueil lui ouvre la porte automatiquement"
Je trouve cette exigence complètement nulle et ne peut m'empêcher de sourire mais je constate très vite que Sofia prend cela avec beaucoup de gravité et de sérieux : "Ca n'a rien de drôle ! elle a déjà fait renvoyé quatre personnes pour ça. Et crois-moi, lorsque qu'elle se prend le portique dans la tronche, elle te vire dans la minute"
D'un seul coup, mon sourire s'efface et la photo de Madame Zeitoun devient ma seule hantise.
Je trouve cette exigence complètement nulle et ne peut m'empêcher de sourire mais je constate très vite que Sofia prend cela avec beaucoup de gravité et de sérieux : "Ca n'a rien de drôle ! elle a déjà fait renvoyé quatre personnes pour ça. Et crois-moi, lorsque qu'elle se prend le portique dans la tronche, elle te vire dans la minute"
D'un seul coup, mon sourire s'efface et la photo de Madame Zeitoun devient ma seule hantise.
Le soir venue, Sofia me donne les badges d'accès de l'accueil, les clés et mon accès aux casiers. Elle pars de son coté visiblement très soulagée de quitter cet endroit. Je rejoins avec hâte ma station de métro content d'avoir survécu à ce premier jour et angoissé par ma futur rencontre avec Madame Zeitoun.
Dans la rame bondée qui me reconduit chez moi, je reçois un message de Sémy qui m'invite à passer chez lui. Je dois avouer que j'ai bien besoin de me changer les idées. En arrivant chez Sémy, je découvre aussi Romain et Fred déjà installé entrain de dévorer une pizza premiers prix et de s'enfiler des verres de Pulp'cola. Ce soir, interdiction de parler de nos boulots respectifs, nous parlons d'écriture, de scénarios et de cinéma. Comme c'est précieux d'avoir des amis qui partagent les mêmes rêves inatteignables que vous.
Sémy impatient de nous faire découvrir son nouveau projet, allume son ordinateur et joue pour notre plus grand plaisir les scènes de son nouveau scénar'. Fred sort de son sac les derniers croquis de futurs créations... Et comme à notre habitude, nous sommes tous pantois face à son talent et sa précision dans le dessin. Romain reste silencieux, il écoute, il analyse, il observe... C'est difficile de réussir à sonder Romain sur ses projets et ses rêves... Mais je connais son talent, je sais qu'il possède la flamme créatrice et qu'un jour prochain il nous étonnera. Nous parlons de tout et de rien mais surtout... Nous rêvons de grands projets loin de nos appartements étriqués et de nos fins de mois difficiles.
Le lendemain, me revoilà sur le chemin du travail... Et aujourd'hui je stress. Je suis seul maître de l'accueil et je ne suis pas sûr de bien tout maitriser. Dès 7h30, le téléphone n'arrête pas de sonner, les E-mails de réservation de salles s'accumulent, je tente de garder mon calme. Je ne sais plus où donner de la tête... Un téléphone à la main, l'autre en train de pianoter sur un clavier et à cet instant, mon cauchemar fait son entrée dans le hall : Madame Zeitoun... J'ai un temps d'hésitation, je la regarde, je regarde la photo, je la re-regarde, je re-regarde la photo... C'est bien elle !! Mais je suis débordé ! j'essaye par tout les moyen de lui ouvrir le portique en appuyant sans relâche avec mon coude sur le bouton de l'accueil.
Madame Zeitoun vient se présenter, me serrer la main : "Bonjour, nous n'avons pas encore pu nous rencontrer... Je suis Madame Zeitoun, la directrice de l'accueil. Je vois que vous êtes déjà au travail, c'est parfait ! Demain une nouvelle collaboratrice arrive pour travailler à vos côtés... J'espère que vous aurez à coeur de lui transmettre tout votre savoir faire à l'accueil".
Sur ces mots Madame Zeitoun s'en va... Me laissant comme impression qu'elle n'a pas réellement compris que j'ai commencé ce travail hier... A moins qu'elle s'en moque. Une fois passé midi, l'accueil devient calme, pour mon plus grand plaisir, je peux me mettre à écrire mon roman sans être dérangé... Même si je vérifie de temps à autre si Madame Zeitoun n'est pas dans les parages.
En quitttant Paris après cette dure journée, je croise à nouveau Pépé dans les couloirs de la station Opéra. Je ne l'avais pas revu depuis l'été dernier au Printemps Haussmann. Il mandit toujours avec Diego à ses côtés. Je lui donne un de mes ticket restaurant : "Tiens ! l'homme d'affaire est de retour !" me lance t-il avec un sourire. Je lui retourne cette sympathie communicative en lui disant à demain.
Ce soir dans mon studio étroit et sombre, je m'interroge... Je pense à ces rêves innombrables que nous avons mes amis et moi... Je pense à Pépé qui vit seul au quotidien... Et je réalise qu'à différentes échelles nous sommes tous les enfants d'une époque difficile... L'occasion d'écrire une nouvelle chronique avant d'aller dormir...
Sémy impatient de nous faire découvrir son nouveau projet, allume son ordinateur et joue pour notre plus grand plaisir les scènes de son nouveau scénar'. Fred sort de son sac les derniers croquis de futurs créations... Et comme à notre habitude, nous sommes tous pantois face à son talent et sa précision dans le dessin. Romain reste silencieux, il écoute, il analyse, il observe... C'est difficile de réussir à sonder Romain sur ses projets et ses rêves... Mais je connais son talent, je sais qu'il possède la flamme créatrice et qu'un jour prochain il nous étonnera. Nous parlons de tout et de rien mais surtout... Nous rêvons de grands projets loin de nos appartements étriqués et de nos fins de mois difficiles.
Le lendemain, me revoilà sur le chemin du travail... Et aujourd'hui je stress. Je suis seul maître de l'accueil et je ne suis pas sûr de bien tout maitriser. Dès 7h30, le téléphone n'arrête pas de sonner, les E-mails de réservation de salles s'accumulent, je tente de garder mon calme. Je ne sais plus où donner de la tête... Un téléphone à la main, l'autre en train de pianoter sur un clavier et à cet instant, mon cauchemar fait son entrée dans le hall : Madame Zeitoun... J'ai un temps d'hésitation, je la regarde, je regarde la photo, je la re-regarde, je re-regarde la photo... C'est bien elle !! Mais je suis débordé ! j'essaye par tout les moyen de lui ouvrir le portique en appuyant sans relâche avec mon coude sur le bouton de l'accueil.
Madame Zeitoun vient se présenter, me serrer la main : "Bonjour, nous n'avons pas encore pu nous rencontrer... Je suis Madame Zeitoun, la directrice de l'accueil. Je vois que vous êtes déjà au travail, c'est parfait ! Demain une nouvelle collaboratrice arrive pour travailler à vos côtés... J'espère que vous aurez à coeur de lui transmettre tout votre savoir faire à l'accueil".
Sur ces mots Madame Zeitoun s'en va... Me laissant comme impression qu'elle n'a pas réellement compris que j'ai commencé ce travail hier... A moins qu'elle s'en moque. Une fois passé midi, l'accueil devient calme, pour mon plus grand plaisir, je peux me mettre à écrire mon roman sans être dérangé... Même si je vérifie de temps à autre si Madame Zeitoun n'est pas dans les parages.
En quitttant Paris après cette dure journée, je croise à nouveau Pépé dans les couloirs de la station Opéra. Je ne l'avais pas revu depuis l'été dernier au Printemps Haussmann. Il mandit toujours avec Diego à ses côtés. Je lui donne un de mes ticket restaurant : "Tiens ! l'homme d'affaire est de retour !" me lance t-il avec un sourire. Je lui retourne cette sympathie communicative en lui disant à demain.
Ce soir dans mon studio étroit et sombre, je m'interroge... Je pense à ces rêves innombrables que nous avons mes amis et moi... Je pense à Pépé qui vit seul au quotidien... Et je réalise qu'à différentes échelles nous sommes tous les enfants d'une époque difficile... L'occasion d'écrire une nouvelle chronique avant d'aller dormir...
Les Temps durs (publié sur le blog en Octobre 2010)
Je ne pensais pas que l’automne reviendrait aussi vite sur la capitale… Que les feuilles se terniraient sans prévenir… Que le soleil se mettrait en intérim. Je ne pensais pas que la rentrée serait aussi difficile.
Je sais que ma famille ne comprendra jamais ce besoin d’être entre deux vies… Souvent sur la brèche… Mais j’en assume les conséquences, j’ai fait ce choix de vivre avant tout pour mes projets… Je me suis fais la promesse de ne jamais laisser l’écriture au bord d’un chemin comme je l’ai souvent fait par lâcheté. Cependant les temps sont durs… A bientôt 24 ans je vis toujours dans un minuscule studio hors de prix, priant sainte Marie du capitalisme chaque soir pour que mon loyer n’augmente pas ! Même si l’art est ma force et l’écriture ma vie, je dois reconnaître que les fins de mois sont souvent difficiles et aléatoires.
Dans ma course matinale au milieu des Parisiens stressés, Il m’arrive souvent de croiser Pépé à la gare d’Auber. Il est là chaque jour avec son vieille orgue qui a certainement vu plus d’hiver que tous les couloirs de métro réunis. Diego son chien, assis sagement à ses côtés… L’écoutant jouer et rejouer, pour un ticket resto devant les grands magasins où se pressent les touristes et les parisiennes emmitouflées dans leurs fourrures.
Durant l’été où je travaillais chez Marni à Haussmann, je croisais souvent Pépé et Diego. Leur laissant furtivement un ticket resto, déjà bousculé par trois ou quatre hommes d’affaires pressés… Je me doute que ce n’est certainement pas grand-chose, mais je savais ainsi que mes deux amis rejoueraient à mon retour le lendemain sur les grands boulevards.
A ses yeux j’étais un parmi tant d’autres. Ils devaient certainement me prendre pour un garçon parisien de bonne famille, avec mes cheveux bien coiffés, et mes vêtements Manoli de la tête aux pieds. Il me remerciait poliment tout en continuant sa balade qui rejouait de vieux airs de chansons françaises, tout aussi clichées que populaires. Puis en quittant Manoli et les grands magasins j’ai perdu Pépé et Diego de vue…
Alors que je risquais de me retrouver sans emplois, je m’interrogeais sur la fragilité du monde, des aspirations et des projets qui nous habitent toute notre vie. Qu’est ce qui a causé la chute de Pépé ? Quel instant de sa vie a été fatal à son toit et sa sécurité ? L’art nous mène t’il inévitablement sur le chemin d’un orgue de Barbarie chantant notre précarité ?
J’aurai vraiment aimé réussir à l’école pour ma famille, faire de longues études, devenir médecin ou avocat, dentiste ou banquier… Je les déçois chaque jour je pense… Car je vis d’instincts et de passerelles fragiles vacillant au-dessus d’une vie quasi-ratée.
Mais par chance je me relève toujours… Du moins pour l’instant. Depuis peu j’ai retrouvé un travail… Et j’ai recroisé Pépé sur les grands boulevards. Pour la première fois il ne m’a pas regardé comme quelqu’un parmi tant d’autre… Peut-être a t’il compris que ma vie est aussi aléatoire que la sienne… Que je survis à ce monde sans vraiment y être intégré…Que nous sommes des frères d’orgues esseulés qui s’entre aide à coup de ticket resto…
En réalité, la vie dans cette grande ville est si injuste… Lorsque l’on oublie un instant les grands monuments, les magasins et les costumes-cravates, on se rend compte que nous sommes tous en train de jouer de l’orgue avec Pépé et Diego… Pendant que l’élite se rit de la misère montante…
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