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lundi 7 novembre 2016

Chapitre 7 (Le Journal d'un auteur perdu)


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Cher journal... Je cherche un nouveau travail

Septembre 2010,
Aujourd'hui, je suis de nouveau dans les rues de la capitale avec mon beau costume acheté chez Zara et mes chaussures cirées (qui en réalité me servaient chez Manoli). J'ai réussi en à peine quelques jours à décrocher un entretien dans une nouvelle maison de prêt à porté très connu sur Paris. Comme je suis pas mal en avance, je prends le temps de me poser à la terrasse d'un café et de griffonner quelques idées pour de futures chroniques.

Paris est resplendissante aujourd'hui. Le ciel est dégagé et un léger parfum d'été flotte encore dans la ville malgré l'approche de l'automne. A peine le temps de boire mon café et de finir d'écrire sur cette page vierge qu'il est temps que je me rende à mon entretien. 
Je ne connais pas vraiment le lieu du rendez vous, alors, je me repère bêtement en regardant une carte du quartier sur mon téléphone. 

J'entre dans une cour étroite et à l'écart des grands boulevards. Dans ce petit lotissement, tout semble calme et apaisant. Je me dirige vers l'interphone et découvre une longue liste de sociétés, de showrooms, de créateurs... Tout en cherchant avec l'aide de mon doigt, je tombe enfin sur le nom de la marque avec laquelle j'ai rendez-vous. Je presse le bouton, non sans une pointe de stress. Une femme répond : "Maison couleur Bernisson" Je me décide à prendre la parole malgré avec une voix légèrement tremblante "Je viens pour l'entretien de 14h30" "Montez c'est au 4e" 

Une fois dans le bâtiment, me voilà assez impressionné. Je monte les marches jusqu'à l'étage en question. Devant la porte de Couleur Bernisson, une jeune femme m'attend. Elle s'empresse de me serrer la main avec poigne et assurance. "Bonjour ! vous n'avez pas eu trop de mal à trouver l'adresse ? Beaucoup de gens s'égarent souvent en venant ici..." 
Sur ces mots qui n'impliquent aucune réponse de ma part, elle m'invite à entrer dans l'appartement privé. Placardées sur les murs, je découvre des photos de mannequins portant les collections passées de la maison et des miroirs de toutes les tailles, toutes les formes donnant à la pièce principale une profondeur déconcertante. 

La jeune femme m'installe dans le salon "Je vais prévenir Corinne de votre arrivée, je vous laisse patienter un petit instant"
Je m'assois un peu gêné dans le canapé de velours mauve. Je me sens observé par toutes ces photographies gigantesques de femmes et d'hommes à la mine boudeuse et aux traits anguleux. Sur la table, je retrouve une pile impressionnante de book de Couleur Bernisson et de magazine de mode à rendre hystérique les plus férues de haute couture.      



Après une petite dizaine de minutes, la fameuse Corinne vient me retrouver dans le salon. Elle arrive avec enthousiasme et extravagance. Elle porte sur elle les vêtements de la maison Couleur Bernisson... Des vêtements aux formes asymétriques et aux teintes criardes. "Vous savez quoi ? comme il fait très beau, je nous ai fait installer une table sur le balcon, nous allons faire l'entretien au soleil ! vous êtes d'accord ?" 
Sans même attendre ma réponse, elle m'entraine sur le balcon. Une table y est dressé avec un joli napperon, deux tasses à thé, une théière encore fumante et des croissants frais. Une attention assez charmante mais qui en réalité me met complètement mal à l'aise. 

Corinne  épluche mon CV tout en griffonnant, raturant et en apposant des annotations. Elle me questionne longuement sur mes études à la fac en Histoire de l'art et sur ma "master class d'écriture" avec Robert McKee. "Vous avez un parcours à contre emploi... A voir votre CV vous avez le profil d'un homme de lettre, pourquoi vous tournez-vous vers le milieu de la mode et du prêt à porté ?" 

Tout en buvant délicatement son thé, Corinne attend avec délectation ma réponse. Comment lui faire comprendre que je ne vis que pour l'écriture mais qu'écrire n'est pas un métier. Que personne ne le reconnais en tant que tel et surtout qu'il me faut encore créer une oeuvre potable pour pouvoir me prétendre écrivain. En vérité je sais très bien qu'elle n'attend pas ce genre de réponse, elle attend de moi que je flatte le monde de la mode... Alors c'est ce que je fais "C'est vrai que j'aime l'écriture, mais je suis avant tout un amoureux de l'art dans son entièreté et j'ai découvert dans le prêt à porté une expression artistique infinie qui m'a fasciné" 

Corinne semble boire mes paroles avec autant d'amour que son thé. Tout semble aller pour le mieux. Elle se met à me parler de la boutique principale à quelques pas des Champs Elysées dans laquelle elle me verrait bien évoluer. Puis, Corinne voit sur mon CV mon passage éclair dans la maison Manoli... " AAAAh vous avez travaillé pour la maison Manoli ! Natalia Da Silva, la directrice, c'est une grande amie ! vous permettez que je l'appelle pour que l'on s'entretienne à votre sujet ?" 

Une nouvelle fois, sans vraiment attendre ma réponse, elle se saisit de son téléphone et s'éloigne un peu sur le balcon. Tout à coup, mon estomac se sert. Connaissant le franc parlé de Natalia, cet entretien va tourner court. Je n'entends que quelques bribes de la conversion mais je distingue déjà que le visage de Corinne se ferme et devient nettement moins sympathique. De plus en plus mal à l'aise, je commence à me cacher dans ma tasse, regardant le thé au jasmin onduler calmement jusqu'à mes lèvres. 

Alors qu'elle n'a pas encore raccrocher, Corinne fait signe à la jeune femme qui m'avait accueilli quelques minutes plus tôt de débarrasser la table. Elle s'exécute et d'un air un peu gêné vient m'arracher ma tasse des mains et reprendre les croissants entamés. Corinne s'éclipse dans son bureau me laissant seul sur le balcon sous un soleil qui commence légèrement à m'agresser. La jeune femme revient alors à ma rencontre et m'invite avec douceur à quitter l'appartement. 
"Corrine m'a demandé de vous raccompagner... On va vous souhaiter une bonne fin de journée Monsieur !" 

Tandis qu'elle me ferme honteusement la porte au nez. Je ne demande même pas si la fameuse Corinne me rappellera. Je n'ai aucun doute sur la publicité de qualité que Natalia a dû me faire. Tout en errant dans les rues parisiennes, une déception commence à m'envahir. Pour ne pas tomber dans une névrose incontrôlable. je m'empresse de contacter mes amis pour s'organiser un rendez-vous au plus vite. 

C'est au Starbucks que je retrouve quelques minutes plus tard, Eva, Romain et Sémy. Ils attendent tous que je leur refasse le film de mon entretien. "Je pense que je vais devoir me faire une raison, Natalia vient de me griller dans le milieu de la mode parisienne. Je vais devoir chercher un boulot dans une autre branche !" 

Romain me propose alors de postuler dans un organisme d'hôte d'accueil pour lequel il avait travaillé quelques années auparavant en revenant des Etats-Unis... Pour la petite histoire, il y a deux ans de cela, Romain avait tout plaqué pour partir vivre en Floride. Un moment assez difficile pour notre petit groupe... nous lui avions fait des adieux déchirant jusqu'à son avion. Mais à peine un mois plus tard après des sanglots sur Skype et un lynchage de ses colocataires, il est revenu sans réfléchir à Paris. Par chance, Romain qui est un garçon débrouillard et intelligent, a réussit à se retrouver un boulot rapidement : hôte d'accueil. 

"C'est pas un boulot de rêve c'est vrai, je ne l'ai fait que quelques mois mais ça te permettra de faire valoir des compétences et en plus de te dégager du temps pour l'écriture !" 
C'est vrai que je n'y ai pas pensé mais pouvoir accorder une place plus confortable à mes projets littéraires n'est pas une si mauvaise chose. 

En rentrant chez moi, j'envoie immédiatement mon CV à cet organisme en espérant pouvoir vite retrouver une stabilité. En attendant, ce soir j'oublie les échecs et je me change les idées en écrivant une nouvelle chronique pour mon blog...    


         
La peur de grandir  (publié sur le blog le 10 septembre 2010)

Si je regardais de plus près dans mon jardin secret, mon dévouement et mon amour pour l’écriture… je me rendrais certainement compte, qu’il ne s’agit en réalité que d’une fuite… une peur… Caché, confiné, là à l’abri des bruits assourdissant de la vie.


La peur d’aimer, de m’attacher… De m’engager… De grandir. Sommes-nous fragile toute notre vie ou suis-je juste une statue de sucre ? Le monde est violent, souvent agressif, parfois sans merci… Une fois sortie de mes fantaisies, je suis dans une jungle aussi passionnante qu’inquiétante. Je transporte avec moi mes histoires partout. Mais la réalité de la vie les dévore, les amoches.



Je passe mon temps à fuir… Les échecs, la réalité, les obligations. Partout où les chemins de la vie me conduisent, je ne trouve pas ma place. Je suis toujours sur la touche, en dehors de la bulle… Jamais dans la vie toujours dans un rêve. Jamais remarqué, toujours effacé. Jamais admis, toujours incompris.



Je croyais que cela passerait en grandissant… Que je trouverai ma place. Pourtant voilà vingt ans plus tard, je suis toujours ce petit garçon timide et piètre écolier. Je suis encore une fois le dernier de la classe. En réalité je n’ai pas grandi…

Je fais juste semblant, j’arpente les allées de mes tendres années en espérant y trouver une place… Mais est ce encore un rêve candide ? L’artiste est-il en réalité un éternel vagabond qui ne souhaite pas grandir ? La solitude est elle irrémédiablement lié à l’art ?

Je suis lasse de travailler à droite à gauche pour survivre dans la jungle parisienne. Lasse de condamner les portes de mon imaginaire. Lasse que la vie l’emporte toujours sur l’art… Je suis fatigué d’être ce que je ne suis pas.

Pourtant comme tous les enfants, j’adorais faire semblant… Jouer un rôle dans la cour de récré. Se prendre pour ce que l’on n’était pas… Ce que l’on ne serait jamais… Pourquoi aujourd’hui je n’y arrive plus ? Peut être que ce jeu à assez duré ?

En réalité, la vie n’a rien d’un jeu, son monde est effrayant…Et je ne le comprends pas, je ne l’admire pas. J’aimerai y voir juste les choses si simple, si légère… Je voudrais vivre d’histoires…Comme un enfant qui ne veut pas grandir.



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