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jeudi 6 octobre 2016

Chapitre 5 (Le Journal d'un auteur perdu)



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Chapitre 5 : Cher Journal… Je suis viré !





Mi Juillet 2010, 

Ma semaine de travail au Printemps Haussmann se passe plutôt bien. J’ignore si cela est dû au retour de mon envie d’écrire. Peut être que j’apprivoise enfin ce travail petit à petit. Lorsque je suis arrivé, j’ai tout de suite été pris sous l’aile des deux vendeuses du corner de Manoli : Lisa et Annabelle. 
Lisa, c'est la responsable du stand. Elle ressemble beaucoup à Natalia… D’un point de vue physique uniquement car je la trouve plus avenante et plus chaleureuse. Annabelle est une jeune vendeuse passionnée de mode. J’aime sa fraicheur et son enthousiasme est assez communicatif. J'ai appris pas mal de choses à ses côtés ses derniers jours.  
Le midi, durant la pause déjeuner, je préfère malgré tout, quitter les couloirs du Printemps. Il me semble important de pouvoir faire une pause avec "l'univers de la mode". Je me pose sur la terrasse d’un café, dans la rue adjacente, et j’écris…  Je suis plutôt enthousiaste de voir que l'inspiration est revenue. J’explore des idées de chroniques pour le blog et des trames narratives solides pour mon futur roman.  
Tout en déjeunant, en griffonnant et bouquinant des ouvrages sur la chevalerie au moyen-âge,  j’écoute en boucle « Jimmy » la chanson du groupe Moriarty. Cette mélodie m’aide à me rappeler que même si parfois, j’ai la sensation d’être perdu, la route que j’empreinte est sereine et bien tracé.

Un autre rituel est venu ponctuer mes journées : Je passe voir Pépé. Pépé c’est un sans-abris qui vit dans le brouhaha de la station Auber. Il reste assis toute la journée contre une poubelle, face au tapis roulant qui mène vers la ligne 7 du métro. Il a un chien qui s’appelle Diego. Un matin, en passant devant lui, je lui ai donné un de mes tickets resto et il s’est mis à me parler. A première vue, j'étais un peu mal à l'aise. Mais ce vieux monsieur avait tant besoin de parler que je me suis contenté de l'écouter et de ne pas fuir.

Depuis, tous les jours je passe et je m’arrête. Il m’appelle « monsieur l’homme d’affaire » … C’est vrai que mon costume Manoli me donne des airs de parisien embourgeoisé… Bien loin de la réalité de ma précarité d’écrivain.    
Cet après-midi, Natalia Da Silva doit passer sur le corner Manoli du Printemps. J’appréhende un peu sa venue. Il faut dire que notre dernier face à face était un peu froid. Elle m'avait bien fait comprendre que je jouais ma dernière carte... Mais, je ne m'en fait pas trop, je sais que Lisa et Annabelle m’épauleront. Ces deux femmes ont beau être employées de la marque depuis plusieurs années, elles semblent autant intimidées que moi par le charisme et le franc parler de Natalia. 
L'après-midi est plutôt calme, ma seule activité consiste à replacer inlassablement les chaussures dès qu’une cliente les a touchés. Tout à coup, le téléphone du corner se met à sonner. Lisa répond : « Lisa, responsable Manoli, Printemps Haussmann, bonjour »
Annabelle et moi ne pouvons nous empêcher de stopper nos activités et de nous tourner vers notre responsable. Le visage de Lisa se crispe de plus en plus. Son teint plutôt halé, disparaît étrangement… Elle devient pâle. Annabelle n’attend même pas la fin de l’appel et m’agrippe le bras : « Natalia arrive !!! vite il faut tout ranger !!! » 
A dire vrai, je ne comprends pas trop ce qu’il y a à ranger… Nous n’avons eu pratiquement aucunes clientes. Rien n’a été déplié ou bougé de place. Mais Annabelle est paniquée. Elle se jette sur les robes avec cintres. Elle les replacent à égal distance les unes des autres. Elle remet un col ou un bouton mal refermé en place. Je la vois tournoyer sans interêt. Pour paraître investit, j’imite son implication à mi chemin entre  le ridicule et l'exagération. 

Lorsque Lisa raccroche le téléphone. Elle qui pourtant me semblait si douce et avenante, se met à nous hurler dessous : « Dépêchez vous !!! Natalia arrive !!!! Elle vient de me dire qu’elle est dans le hall !!!! »     
L’espace d’un instant, j’ai l’impression d’être la pauvre Anne Hathaway dans le diable s’habille en Prada. J’aperçois Natalia qui emprunte l’Escalator. Celui-ci débouche justement face à notre stand. Elle arrive, grand sourire aux lèvres. Elle salue Lisa puis Annabelle, tout en prenant soin de s’intéresser à elles (pour de faux). Quand à moi, elle se contente de me serrer la main sans même croiser mon regard. 
« Je vous ai ramené le catalogue de la nouvelle collection les filles ! » Natalia sort de son sac un énorme book avec tous les nouveaux modèles du défilé automne-hiver. « Je viens juste de rentrer de Milan justement ! Les nouvelles matières sont extraordinaires ! Les cliente de Manoli vont adorer ! » 
Tandis que Natalia tend le book à Lisa et Annabelle, j’ai la sensation d’être invisible. Je dois vaincre cette impression… Après tout, Lisa et Annabelle m’ont aidé ces derniers jours à reprendre confiance en moi. Me sentant mieux intégré, je me mêle à la conversation et regarde le catalogue des nouvelles sorties avec les filles. Natalia s’interrompt et me fixe avec un regard froid et sévère « Julien, vous pouvez nous laisser un instant. Surveillez le stand ! Je vais m’entretenir avec vous juste après ». 
On peut dire qu’elle m’a exclu d’un revers de main. Seul sur le stand, je m’interroge, je flanche… Je panique. Suis-je vraiment à ma place ? J’ai d’un seul coup le sentiment de redevenir médiocre et livide. Je me cache derrière les robes que je place à égale distance les unes des autres. Natalia ne tarde pas à arriver, souriante. Me voilà soulagé.
« Alors tout se passe bien au Printemps ? » me demande-t-elle. Je lui expose donc mes efforts pour améliorer ma force de vente et lui fait l’éloge de mes deux nouvelles collègues Lisa et Annabelle. Tandis que j’argumente sur ma condition, je découvre le visage de Natalia qui se durcit au grès de mes explications. 
« Oui justement elles sont bien trop gentilles pour vous dire que vous êtes médiocre Julien ! Ce n’est pas leur rôle de vous coacher ou de vous faire des remontrances. C’est le mien ! Si je me suis déplacée, c’est encore parce que nous avons un souci avec votre travail. Je pense qu’il est tant qu’on arrête de travailler avec vous ! » 
A cet instant, j’ai l’impression que le bâtiment s’effondre ou que le sol se dérobe sous mes pieds, me faisant directement tomber dans la bouche de métro la plus proche… Direction : Chômage ville. J’observe Lisa et Annabelle qui se cachent derrière les chaussures à talons. Je ne les vois plus comme mes fées bienveillantes bizarrement mais plutôt comme les deux vilaines soeurs de Cendrillon.
Le soir venu, je traverse les couloirs de métro avec honte. J’ai les larmes aux bord des yeux mais j’essaye de les retenir… Je dois les retenir… Je ne suis pas médiocre… Je ne suis pas médiocre !! En passant devant Pépé, je lui dépose la fin de mon carnet de tickets restaurants. Dans un premier temps il ne me reconnait pas... Il est surpris, il ne m’a jamais vue avec mes jeans délavés et mes t-shirts froissés. Il tente de me parler mais je suis déjà loin dans le couloir.  
Dans le métro, j’écoute une nouvelle fois « Jimmy ». J’ai tellement envie de pleurer… Je tente de rester fort… Je pleurerai à la maison. Je resterai digne quoi qu’il m’en coûte… Un auteur ne pleure pas, il évacue ses larmes avec l’encre sur le papier.  
Aujourd'hui je viens de perdre mon travail. Comment vais-je annoncer cela à mes amis ? A mes parents ? Natalia me vois comme quelqu’un de médiocre. Et si finalement je l’étais vraiment ? Que valent mes écrits et mes idées ? J’ai la sensation que tout ce que j’entreprends est voué à l’échec. Je suis perdu et la route ne me semble plus sereine et bien tracée. J’écris une nouvelle chronique sur fond de déception non sans une pointe de colère. 



Comme Jimmy des Moriarty (publié le 19 septembre 2010)

Revenons un instant sur un passé plus ou moins proche… Il nous arrive parfois (souvent) de perdre notre route. D’être surpris par l’orage… De courir à travers champs, à travers ville, pour se réfugier sous un préau où les maux du ciel ne nous atteindrons pas. Il nous arrive parfois (souvent) d’attendre immobile, en regardant ces perles d’humidité balayer, nettoyer nos erreurs.

Que faire lorsque nous avons perdu notre route ? Est-il plus sage d’attendre qu’un voyageur plus chanceux que nous, nous remontre le chemin ? Ou devons-nous réendosser notre sac à dos et continuer seul en suivant les étoiles de la chance ?

Il n’y a rien de plus déstabilisant, que de se perdre soi-même… Durant cet été 2010, je me suis perdu, j’ai couru à travers champs, à travers ville pour un semblant de vie qui ne me ressemblait pas. Je me suis réfugié sous un préau où les maux du ciel ne m’atteignaient pas. J’ai attendu qu’un voyageur chanceux me remontre le chemin… Et ne voyant personne à l’horizon, j’ai ré-endossé mon sac à dos en suivant la route des étoiles.

Abandonné dans les grands espaces Parisiens, bousculés par les troupeaux de Bisons en migrations vers le centre d’affaire le plus proche… Le petit Jimmy que j’étais, un peu perdu, un peu fragile, marchait… Cherchant ses rêves délaissés dans les mains d’une Calamity Jane de luxe, terreur de la mode… Vendeuse plus rentable que son ombre.

Dans le train à vapeur qui me ramenait chaque soir auprès des miens, j’écoutais les rythmes langoureux et apaisant des Moriarty : les accords amers d’un harmonica esseulé et le rythme de ma vie, sur une guitare abîmée sans oublier la douce voix de Rosemary. Elle me murmurait à l’oreille "Sois fier de ton nom" "Sois fidèle à toi-même" "Va où tes pas te mènent" "Fais comme tu le sens".

J’avais bel et bien perdu le chemin de la maison. J’étais bien loin de mon petit univers onirique où l’écriture portait la vie, tel une camionnette vacillante à travers champs. Rosemary (la chanteuse des Moriarty) a expliqué la signification particulière de cette chanson :

" Jimmy a tout simplement disparu. Cette chanson est un appel au retour de Jimmy et c'est une métaphore chez les bisons. La philosophie des bisons : Où qu'il soit, il ne faut pas qu'il oublie d’où il vient ni qui il est. "

Le Jimmy qui vivait en moi c’était bel et bien envolé. Il avait perdu sa route et terrorisé par l’orage, il avait trouvait refuge sous un préau attendant que je vienne le chercher pour reprendre le chemin avec lui. Lorsque je donne un pouvoir philosophique et bénéfique à la musique… Ce n’est pas par hasard. Grace à ce groupe et cette mélodie, je n’ai pas oublié qui je suis et d’où je viens.

Jimmy, c’est la meilleure partie que nous ayons en nous… C’est le cœur, c’est le vrai… C’est le chemin. Plus jamais je ne l’abandonnerai. Jimmy de Moriarty ou la métaphore d’un été de perdition dans un magasin de luxe. 

1 commentaire:

  1. Je pensais ne pas connaître cette chanson...et au final si. Il me semble l'avoir entendu quelque part et en cherchant bien dans un recoin de cerveau qu'Olivia Ruiz la chante dans un de ses albums.
    Bref, c'est une très jolie chanson...la preuve elle m'a marqué aussi.
    En tout cas vous avez une belle écriture, et cela m'inspire beaucoup...Je me replonge dans la suite, à bientôt.
    Jérémy

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