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lundi 14 mars 2016

Chapitre 3 (Le Journal d'un auteur perdu)


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Cher journal... L'échec est à ma porte

Juillet 2010,
Qu’est-ce que je m’ennuie dans ce nouveau travail. Il doit y avoir à peu près quatre clients par jour qui rentre dans la boutique. Le plus souvent ce sont des femmes à la peau orange qui passent leur temps à vanter leurs voyages à Miami ou LA. Elles exhibent avec fierté les derniers bijoux hermès qu’elles se sont payées entre deux séances abusives d’UV. 
Je pensais bêtement que mon travail consisterait à vendre des robes et des chaussures mais en réalité on me demande plutôt de jouer le confident de ces dames insipides… Et je crois que mon manque d’enthousiasme se reflète de plus en plus sur mon mon visage. A tel point que ces derniers jours, les clientes ne s’approchent même plus de moi… 
Natalia Da Silva s’assure que l’on soit toujours occupé dans le magasin. Nous avons interdiction de rester statique même lorsque aucun client ne nous sollicitent. Notre mission : mettre les collections sur cintre à égale distance les unes des autres. Nous passons nos journées à arpenter les rayonnages pour replacer cette robe 0,02 millimètres vers la droite et ce blazer à 0,008 millimètres de plus vers la gauche. A mes yeux, nous sommes des maniacodépressifs à tendance psychopathes mais pour Natalia, nous sommes des vendeurs débordés. 
Elle ne me lâche pas des yeux ces derniers jours. Je pense qu’elle commence à détecter en moi une profonde médiocrité en ce qui concerne la mode. Du coup, je me donne un grand coup de collier pour éviter la banqueroute. Je me jette sur la première cliente qui passe le pas de la porte. « Bonjour madame, je vous souhaite la bienvenue chez Manoli, vous connaissez déjà la maison ? »
Cette dame s’appelle Brigitte, elle n’a d’ailleurs pas du tout le look de nos clientes habituelles. Elle porte des vêtements plus proche de la mode hippie que des tenues de Lagerfeld. Elle me raconte quelque peu son parcours professionnel pendant qu’elle essaye plusieurs articles à la cabine d’essayage. Brigitte est voyante, elle sait lire les cartes et arrive à déceler les signes. D’ordinaire j’aurais peut-être trouvé cela passionnant, mais dans l’immédiat mon interêt pour Brigitte est purement stratégique : Ma place dans ce magasin en dépend. Alors que je commence à m’éloigner de la cabine où se trouve Brigitte, Natalia me foudroie du regard depuis l’autre bout de la boutique. Je comprends sans mal que je dois continuer à discuter avec cette cliente et surtout rester à ses côtés. « Vous arriveriez à lire des choses en moi… comme ça, sans vos cartes ? » cette question est un peu ridicule mais c’est la seule qui m’est venue.
Brigitte ouvre précipitamment le rideau de sa cabine et me fixe jusqu’à provoquer presque un malaise. «Je vois que vous avez le coeur brisé, vous avez trahis un amour récemment » Pas de doutes, elle vient de voir en moi les ruines de ma rupture avec Charles ! Pourquoi ce type continue à hanter mon quotidien ? Je commence alors à lui parler brièvement de ma relation passé avec lui mais Brigitte m’interrompt sans plus attendre « Non non, je ne vous parle pas de ce genre d’amour… Je vous parle de l’amour passion… Je vous parle d’Ivan ! »
Cette annonce me glace le sang, je manque de me trouver mal et de m’écrouler sur la table des chaussures. Brigitte assiste avec incompréhension à ma décomposition. Sans plus attendre je prends congés d’elle et part me réfugier dans les stocks. Ivan, n’est pas n’importe qui c’est vrai… Et je l’ai délaissé c’est vrai. Ivan n’est autre que le héros de mon roman que je n’arrive pas à écrire depuis tant d’années.
Sans plus attendre, Natalia vient me rejoindre en réserve « Je peux savoir ce qu’il vous arrive ? » me lance t-elle sèchement. Il ne fais plus de doute que je suis sur le point de perdre mon travail…    
Natalia me demande de prendre une veste et de la suivre hors du magasin. Elle m’emmène  au Starbucks qui se trouve dans notre rue. Elle m’annonce qu’elle désire faire le point sur mes premiers jours de vente. 
En rentrant dans le Starbucks, Natalia capte les regards, elle est accueillie comme une personne de haute importance et passe au comptoir sans faire la file d’attente. « Je vais vous prendre un frappé à la mangue avec un donuts simple au sucre s’il vous plaît » Sur ces mots, elle se tourne vers moi… Elle pense sincèrement que je vais demander une part de cheesecake et un caramel macchiato pour 12 euros, alors qu’elle s’apprête très probablement à me virer en public sur la terrasse de ce café ? « Un verre d’eau merci ». La serveuse me regarde étrangement. Peut être fut elle par le passé une victime de Natalia Da Silva ? Une vendeuse déchue qui compatit pour ma souffrance à venir ? 
Natalia s’assoit et me sort des statistiques sur mes derniers ventes. En deux semaines j’ai vendu une robe en promotion et un bracelet. « Etes vous satisfait de ses résultats ? Y voyez vous un soucis ou un blocage ? » A dire vrai, c’est dommage que Natalia n’ait pas de statistiques sur les rangements de cintre car je pense en détenir le record du monde.
« Pour travailler dans la mode, il faut vous intéresser aux gens, à ce qui se passe dans la vie de ces femmes qui viennent au magasin. Vous êtes quelqu’un de trop renfermer malheureusement. Vous ne vous intéressez pas au monde, vous ne vous questionnez pas visiblement» M’annonce Natalia tout en sirotant sa boisson. 
Etrangement, ses phrases ne résonnent pas à mon oreille comme une critique de mon statut de vendeur mais une accusation de mon travail d’auteur. Je suis un écrivain curieux, j’aime découvrir, me tromper, changer d’avis et me forger des opinions à travers mes lectures. Mais finalement tout cela m’a peut-être isolé du monde… Je me prépare à cette phrase douloureuse qui annoncerait mon entrée dans la plus grande communauté de France : Les chômeurs. 
« Pendant deux semaines je vais vous transférer à notre showroom du Printemps Haussmann. Faites attention Julien c’est votre dernière chance ». 
Je viens d’être mis en sursis et je joue probablement ma dernière carte. Dans mon vingt mètres carré, ce soir, je tourne en rond. Il est évident que je ne vais pas tarder à me faire virer. Mais qu’est-ce qu’il m’a pris de quitter mon ancien boulot ? En fouillant dans mes placards, je retombe sur mes écrits, sur Ivan et sur ce roman de fantasy que je n’arrive pas à achever. Mon manque d’inspiration est-il lié à mon côté renfermé ? A-t-on forcément l’esprit étroit lorsqu’on passe le plus clair de son temps seul devant une feuille de papier ? Voilà un bon questionnement pour une nouvelle chronique ! 

  
L’écriture (publié le 28 août 2010)
De tout temps, nous avons tenté d’écrire ou de raconter. Certains disent que la frontière entre la préhistoire et l’histoire, n’est autre que la naissance de l’écriture. Pourtant nos ancêtres les plus éloignés ont toujours tenté et même réussi, à laisser de nombreuses traces de leur récit.

Je me demande souvent si l’écriture n’est d’ailleurs pas une simple preuve de passage, une trace qu’on laisse sur la longue fresque de l’Histoire. Quelle envie nous pousse ? Quel besoin avons-nous d’écrire depuis la nuit des temps ?

D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours adoré écrire… Raconter, créer. L’écriture n’a pas eu sur moi un effet d’enfermement mais bien au contraire d’ouverture d’esprit et de passion. Je revois encore le petit Julien qui écrivait, reclus, ses petites histoires dans un coin de sa chambre. Il était timide et souvent seul. Pas très bon élève… Trop différent des autres, il préférait s’évader dans ces univers lointain où des tas d’amis l’attendaient.

Le petit Julien n’écrivait pas uniquement pour s’inventer des compagnons imaginaires, il écrivait aussi parce qu’un jour il espérait pouvoir se venger de cette solitude qu’on lui avait imposé de par sa différence.

Je n’ai jamais été (et par chance je ne serais jamais) quelqu’un de violent. J’ai toujours eu une ouverture d’esprit, une tolérance et un respect pour chaque point de vue, chaque personne. Bien évidemment le monde ne tourne pas vraiment sur ces bases. Et je ne compte plus le nombre de fois où le respect et la tolérance envers mes choix et mes rêves ont été violés.

Mais je suis encore debout… Pour quelle raisons ? Parce que j’ai toujours gardé l’écriture comme une échappatoire à la vie. On m’a souvent reproché depuis l’enfance d’être trop calme, parfois effacé, souvent rêveur. Certains m’ont reproché de ne pas taper du poing sur la table, de ne pas me faire entendre… Mais je suis resté le même. Je n’aurai jamais besoin de trahir quelqu’un pour grimper les échelons du monde. Certainement pas besoin de salir les opinions de mon voisin pour ouvrir la bouche inutilement. Si c’est cela votre vision du monde, je vous la laisse bien volontiers.

De tout temps, nous avons tenté d’écrire ou de raconter. Et n’est-ce pas parce que de tout temps nous avons eu besoin d’échapper à la réalité ? Car personne n’est maître de la réalité, nous sommes uniquement ses esclaves... Et l’écriture est notre seul liberté…

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