Translate MY BLOG !

lundi 11 février 2019

Le nouveau BLOG !


Comme vous le savez peut-être, depuis un mois maintenant je transfert mes chroniques et mes écrits vers un tout nouveau blog : https://juliengauzere7.wixsite.com/chroniquesjulien

Vous pouvez dès à présent le rejoindre. Ce blog-ci qui reste une page importante de ma carrière d'auteur, restera ouvert et accessible. Je vous attends sur ma nouvelle page pour pleins de nouvelles histoires !

Merci à Tous !

jeudi 20 décembre 2018

Les Chroniques déménagent !


Salut les amis ! 

L'année 2018 aura été forte en nouveauté et en écriture.
Ensemble nous avons dépassé le cap des 3600 lecteurs mensuel, nous sommes partis dans les plaines de l'ouest avec "Il neigera bientôt sur Pine Ridge", nous avons partagé "les Contes et Légendes de Faery" et surtout surtout surtout... Nous avons grandi au travers de plus de 150 chroniques !!!

Il y a quelques jours, j'ai eu le plaisir de sortir  mon troisième livre qui regroupe les chroniques de l'année 2010... En Janvier 2019, mon quatrième livre proposera les chroniques Québécoises de l'année 2017-2018. Merci à vous tous de me porter toujours aussi haut et d'être fidèles dans toutes mes aventures.

Alors quelle sera la suite ? vous l'aurez compris, ce site va peu à peu s'endormir. Ce n'est pas sans émotion que je referme la porte de ce blog puisqu'il est et restera ma plus grande fierté. Un projet fou démarré en 2010 et qui avec persévérance est devenu une aventure incroyable. Aujourd'hui le format que propose Blogger.com est trop étriqué pour "ma petite entreprise littéraire". 

Progressivement je vais vous emmener vers mon nouveau site qui se prépare lentement à l'abri des regards (pour l'instant). Sur ce nouveau site vous retrouverez très prochainement : 

- Les Chroniques d'un auteur perdu En intégralité de l'année 2010 à 2017
- Les Chroniques Québécoises En intégralité (année 2017-2018)
- Les Chroniques en bas de Vallée (année 2018-2019)
- Les Contes et Légendes de Faery, sous le vent d'automne 
- Les Contes et Légendes de Faery, au coin du feu 
- Les Contes et Légendes de Faery, au bord de l'eau
- Il neigera bientôt sur Pine Ridge  
- Les Bruyères cendrées

Le site proposera aussi une boutique en ligne ou vous pourrez directement vous procurer mes livres ainsi que quelques petites surprises que je prépare !

Alors en attendant les derniers réglages pour le nouveau site, je vous souhaite à tous de joyeuses fêtes de fin d'année. Rendez-vous dès Janvier 2019.  

Grandissons ensemble, déménageons ensemble ! 

Merci pour tout ! 

Julien Gaüzère 

mardi 6 novembre 2018

Chronique 2018 : Deux terres m'appellent

Avant propos de la chronique : 
Cette nuit dans la forêt m'a fait entrevoir des routes que je n'envisageais pas. Alors que je quitte le Pays Basque pour quelques semaines, mon esprit reste confus. Mon coeur balance. Québec n'a pas quitté mes pensées et les légendes de mon pays embrument mes décisions. 
Comment dire à ma famille, mes amis que je ne rêve que de prendre la fuite. J'aimerai retrouver mon havre au bord de l'eau, mon chemin de sorcières pour méditer plus longuement. Mais je suis désormais dans la ville et la foule. Pour la première fois de ma vie, me voilà incapable de faire un choix... Qui suivre ? Le loup ou la sorcière ?   


Deux routes m’appellent, 
Chemin de pierre, chemin de terre, 
lequel dois-je choisir ? 
Dis le moi, toi que j’ai, tant et tant de fois, suivi. 

Deux coeurs m’enlacent, 
Pays de fêtes, pays de froid, 
lequel dois-je choisir ? 
Murmure-moi cette réponse, toi que j’ai, tant et tant de fois, écouté.

Je suis perdu, 
Je marche sur le chemin de pierre en rêvant d’y croiser le chemin de terre. 
J’erre dans les fêtes en espérant y retrouver le froid. 
Aide-moi… 

Deux esprits m’appellent, 
la sorcière des forêts anciennes, le loup des frontières boréales. 
Lequel dois-je écouter ?
dis le moi, toi que j’ai, tant et tant de soirs, aimé. 

Deux âmes m’enlacent, 
le trèfle porte-chance, le flocon vole-au-vent.
Lequel dois-je abriter dans ma main ?
Murmure-moi cette réponse, toi que j’ai, tant et tant de nuits, pleuré. 

Me voilà perdu. 
Je suis la sorcière en guettant le loup. 
J’amasse les trèfles de la vallée en attendant les flocons qui habillent les forêts d’épinettes.  
Aide-moi à choisir mon paysage. 

Que faire ? où aller ? 
Je porte en moi les légendes des Basques et celles des Premières Nations du Canada,
La vallée et la forêt, la montagne et la cascade… La sorcière et le loup. 

Deux terres m’appellent. 
J’ai bien deux mains, deux pieds, deux yeux, deux esprits. 
J’ai bien deux routes et deux chez moi…

Mais je n’ai qu’un seul choix possible. 

lundi 5 novembre 2018

Chronique 2018 : La caresse de la Sorginak

Avant propos de la chronique : 
L'été touche à sa fin. Voilà un mois que je suis dans mes vallées et pourtant cette question reviens sans cesse : Suis-je bien à ma place sur cette terre de légendes ? Après une longues journée en forêt sur le chemin des Sorcières, je décide de faire une halte au bord d'un ruisseau. Je monte ma tente et sème des bougies le long de mon chemin. 
L'heure est la méditation pendant que la nuit tombe peu à peu. J'écoute cette nature. Je veux la comprendre. La nuit va être belle, pleine de surprises... J'attends mes réponses... J'attends l'âme des sorcières... 


Je suis toujours dans la forêt. Toujours là quelque part entre Sare et Zugarramurdi. Toujours au bord de l’eau, près de la cascade, sous les branches câlines. 

J’ignore l’heure qu’il est. La forêt qui m’entoure s’est effacée. Elle a laissé place à l’obscurité et au mystère. J’y entends les grands-ducs qui chassent, les renards qui traversent les bruyères et les grillons qui s’égosillent près du ruisseau. Je me laisse bercer par la lumière des bougies qui éclairent mon chemin… J’espère une réponse… 

J’ignore l’heure qu’il est. Je suis vraisemblablement endormi. Les bougies ont perdu de leur splendeur. Les voilà timide et vacillante. Au bord de la cascade, j’entends un chant. Beaucoup auraient pris peur. Mais à dire vrai, cette voix douce me rassure et m’apaise. Sans sortir de ma tente, je tends l’oreille et j’écoute. 

Cette douce mélodie, fragile et intemporelle semble être une partie de ma réponse. Je me saisis d’une des bougies et m’avance au bord de l’eau, mon coeur battant et mes mains tremblantes. Malgré la pénombre, elle m’apparait à la lueur de ma bougie, la Sorginak, la jeteuse de sorts. 
Je ne pourrais lui donner d’âge. Elle est à la fois, la soeur, la mère et la fille. Elle est toutes ces femmes qui peuplaient nos vallées et transmettaient leur savoir. 
Elle est Mari, la déesse terre et Amalur, la déesse mère tout à la fois. 

Elle porte en elle une si grande énergie, qu’il m’est impossible de retenir mes larmes dans ma fatigue. Elle est venue à moi par le chant le plus modeste et se tient désormais dans ce bois en Majesté. L’eau semble changer de route à ses pieds. Sur sa longue robe émeraude s’entremêlent les symboles de nos stèles anciennes. Elle s’étend jusque dans l’obscure forêt, devenant à la fois, lichens, herbes, ronces et troncs imposant.

J’ignore quel nom lui donner. C’est peut être pour cela qu’elle est si importante. Je sens sa main se poser sur ma joue égarée. Une main froide comme le secret des pierres et humide comme un matin de rosée. J’entends son long murmure à travers les cimes… « Ne fuis pas le loup si c’est pour te retrouver face à l’ours… » sans qu’à aucun moment elle ne fasse bouger ses lèvres. 

J’ignore l’heure qu’il est… Je viens de me réveiller en sursaut dans ma tente. Les bougies sont mortes et l’aube commence à poindre à travers les branchages. Je n’explique pas vraiment ce qu’il vient de se produire. Je me sens serein, à ma place… La forêt des sorcières vient de m’offrir sa réponse. 


En quittant le bois, mon paquetage sur le dos, je redécouvre ce chemin de pierre où mon coeur s’anime. Les chouettes chevêches y chantent encore et me montrent la voie vers le village. Le brouillard lave les pieds de la montagne et offre à ma vallée un parfum d’irréel. Je pensais rejoindre le village sereinement mais il m’est réapparu… Après tout ce temps… Le loup. Ce loup qui brûle en moi et m’annonce avec gravité que je ne suis plus sur la bonne route… 

mardi 30 octobre 2018

Chronique 2017 : Chankoowashtay


Avant propos de la chronique : 
Les voilà, les premiers flocons de neige ! ils accompagnent nos journées dans les forêts Latuquoises. Depuis plusieurs semaines, l'écriture fait de nouveau partie de mon quotidien. Peu à peu je fais revivre mes chroniques, je redécouvre mon blog que j'avais peut être trop précipitamment abandonné. 

Mais la vraie surprise vient du fait que je me suis mis à créer un nouveau roman. En réalité cela fait deux années que j'imagine et je prépare l'écriture de "Il neigera bientôt sur Pine Ridge". Mais c'est finalement ici, à La Tuque, que j'offrirai les premiers mots à cette nouvelle histoire... Ici que naîtra mon nouveau héros : Chankoowashtay. 



J’ai longtemps hésité à me replonger dans l’écriture d’un roman. Ce soir, par ma fenêtre, l’automne se fait peu à peu chasser par la neige. Elle reste encore discrète. Se contentant pour l’instant de tapisser quelques chemins forestiers. Je porte encore des doutes… Mais je me sens prêt à redonner une chance à cette main artiste. 

Cela fait longtemps que Chankoowashtay dort dans le grenier de mes histoires perdues. J’ai le sentiment d’être venu le chercher jusque ici. Après tant d’années à l’observer, l’étudier… Tenter de le façonner, parfois maladroitement ou trop sommairement… Il me semble enfin l’avoir rencontré.

Chankoowashtay s’est l’allégorie de la liberté… De l’âme forte qui se bat pour ce qu’elle croit juste. Il incarne en réalité pleinement le voyage que j’ai entrepris jusque ici. Je peux sentir, par ici, la puissance et l’énergie nécessaire à la création de ce personnage. 

J’ignore si cette histoire est la bonne… Si elle est légitime et à propos. Mais c’est l’histoire que j’ai envie de raconter présentement. Elle fut longue, la route pour venir à toi Chankoowashtay. Depuis les avenues parisiennes, j’ai suivi le loup. Celui qui me murmurait de m’éloigner du matériel et du superflu. 

Une fois loin de la ville, je me suis perdu dans ces forêts… J’ai commencé à entendre ta flûte et ton chant… Oui la route fut longue pour arriver jusqu’à toi Chankoowashtay. 
Fallait t-il que je vienne jusque ici pour te comprendre et raconter enfin ton histoire ? 

Depuis que j’ai posé mes valises à La Tuque, l’inspiration ne me quitte plus. J’aimerai écrire sur tout… Rendre immortels ces lieux que je découvre. J’aimerai capturer cette sensation, cet amour pur qui prend votre coeur lorsqu’il découvre de nouveaux paysages à chérir. 
J’ignorai que j’apprendrais tant de choses sur moi au cours de ce voyage. 

Ce soir, sur mon carnet, tu es né… Chankoowashtay. 
A travers des coups de crayons, des ratures et quelques premiers mots qui annoncent ton aventure. Quel long voyage nous allons faire ensemble ! Nous allons surement nous porter, apprendre l'un de l'autre, peut être se haïr parfois… Mais nous allons grandir. 

J’avais oublié cette sensation… Celle de la venue d’un nouveau personnage, d’une nouvelle histoire. Je suis arrivé à La Tuque avec ma seule valise, quelques espoirs et peu de certitudes concernant l’écriture… Je n’étais même plus sûr de vouloir écrire, d’avoir encore des choses à dire. J’entreprenais ce voyage en espérant trouver une nouvelle voie, un nouveau but. Jamais je n’aurais cru réemprunter les chemins de la création. Jamais je n’aurais cru raconter, ici, tes aventures Chankoowashtay. 


J’ai longtemps hésité à poser les premiers mots de cette histoire. Cette fois l’hiver prend le pas sur l’automne. Les flocons s’agrippent au arbres et les matins commencent à être plutôt « frette ».
Je chasse les doutes et les appréhensions… Je me sens prêt à redonner une chance à cette main artiste… Puisque tu m’a donné la tienne, Chankoowashtay. 

lundi 29 octobre 2018

Chronique 2011 : Lui, moi et... Les "peut-être"

Avant propos de la chronique :

En parcourant mes feuillets, mes brouillons... Je retombe sur des chroniques que je n'ai jamais partagé. Certaines sont trop personnelles, trop douloureuses, parfois un peu honteuse. Mais j'ai décidé de leur donner une visibilité après tant d'années à dormir dans des carnets inutiles.

Cette chronique date de février 2011. En ce temps là, je travaillais entant qu'hôte d'accueil pour le siège internationale d'une grande banque parisienne.  En parallèle j'écrivais "Les Contes et Légendes de Faery, au coin du feu" et je publiais mes premières chroniques sur mon blog "All The Little Things".  Je m'étais attaché à un gars qui (je dois l'admettre) a transformé ma vie a bien des égards. On se retrouvait parfois autour d'un café pour parler de nos projets d'artistes... Il était un lecteur assidu de mon blog. C'est peut être pour cette raison que je n'ai jamais vraiment partagé cette chronique. 

J'ignorai le chemin que nous ferions ensemble... En souvenir de nous... Voici cette chronique... 




Je pourrai l’écouter des heures… 
Dans ce café parisien où nous nous sommes retrouvés, je voudrais que le temps s’arrête. 
Je mesure le plaisir de pouvoir parler de mes écrits, de mes passions et d’envisager un futur utopique. 

Je ne suis pas que le garçon-cravate perdu dans les foules-musées. 
Il m’arrive de rêver de partir, de réussir… De publier mes mots et de transformer ma vie. 
Il n’est pas que le garçon-serveur noyé dans les cafés-cocktails. 
Il lui arrive de rêver d’être acteur… De vivre sous les projecteurs et les applaudissements. 

Je pourrai l’écouter des heures…
Dans ce café parisien où les portes sont désormais clauses, nous devenons artistes. 
Tour à tour poètes, troubadours et comédiens… Nous confrontons nos arts avec bienveillance. 

Je suis peut-être un garçon-guimauve perdu dans un coeur-peluche. 
Il m’arrive d’imaginer ses mains frôler les miennes… D’imaginer ses lèvres se perdent à mon cou. 
Il est surement ce garçon-dragueur, noyé dans des histoires-liqueurs.
Il lui arrive d’être si sûr de lui… De voler la lumière et de la garder précieusement dans ses doigts. 

Je pourrai l’écouter des heures… 
Dans ce café parisien où le temps s’est égaré, j’aimerai trouver ma route. 
A la fois vagabond, terre à terre et tête en l’air… Nous nous contentons d’être des artistes un peu gauche, pas très adroit. 

Je suis peut-être un garçon-sommaire perdu dans un monde-intermédiaire.
Il m’arrive d’espérer que cette vie prenne le large… D’entrevoir des routes-contraires. 
Il est surement ce garçon-voyageur perdu dans un jardin-moqueur. 
Il lui arrive de disparaître… De tout quitter et de réinventer son histoire ailleurs. 

Je pourrai l’aimer des heures… 
Dans ce café parisien où le temps est ridicule et où mon coeur s’est arrêté.
Petit à petit amoureux, peu à peu sentimental… J’envisage un instant charnel, un temps criminel près des embruns de son visage.

Je suis peut-être un garçon-artiste, un garçon-plume, un garçon-auteur, un auteur-perdu… 
Ce soir je me suis perdu dans les ruelles de ton amour. Un amour que je m’interdis. Un amour que j’abandonnerai à la Seine avant de me noyer dans une bouche de métro.  

Peut-être le reverrai-je… Peut-être Lui, peut-être avec moi… Peut-être lui et moi… Peut-être….    


dimanche 28 octobre 2018

Chronique 2018 : Démocratie

Avant propos de la chronique : 


Ce soir j'oublie un instant mes vallées basques et mes chroniques habituelles. Ce soir, je regarde, avec impuissance, le Brésil glisser peu à peu vers un nouveau gouvernement populiste. En France aussi l'ambiance est pesante... Les colères s'accumulent, les inégalités se creusent, le chômage augmente, les liste des taxes s'allonge... Et la démocratie perd du terrain dans l'indifférence générale. 



Ce soir je reçois un mail (comme beaucoup de français) via ma page Facebook... Un message qui annonce une colère, un ras le bol :

Samedi 17 novembre Pays mort ! ne faites aucun achat, n'allez dans aucunes banques, ne vous servez pas en essence, n'allez pas au cinéma, aucune dépense dans les commerces, aucun centime, ne prenez pas les transports, n'empruntez pas les péages, les parkings payants, ON BLOQUE LE PAYS, ON BLOQUE LE GOUVERNEMENT QUI NE PENSE QU'A PRENDRE LE FRIC DES "PETITS". 


Cette colère, je ne la perçois pas qu'en France malheureusement. Elle gangrène partout en Occident. Je n'aime pas la tournure que prennent les événements. Je n'aime pas la récupération politico-populiste de la détresse par l'extrême-droite et l'extrême gauche. Je n'aime pas la radicalisation de la droite Française qui (même si je n'en porte pas les valeurs) a toujours gardé une dignité et une hauteur. Je n'aime pas le mutisme de la République en Marche qui n'écoute pas le Pays, ne comprend pas les enjeux sociaux, écologiques, européens... Je n'aime pas que nous t'abandonnions tous, Démocratie... Je ne reconnais plus le monde dans lequel je vis. 






Jair Bolsonaro au Brésil, Donald Trump aux Etats-Unis, Viktor Orban en Hongrie, Matteo Salvini en Italie, Vladimir Poutine en Russie, Recep Tayyip Erdoğan en Turquie… Les crises migratoires, la pauvreté, les guerres, les changements climatiques, le mutisme de l’Europe, la liberté de la presse en danger, le Brexit, l’antisémitisme, le radicalisme religieux, le racisme, l’homophobie… As-tu abandonné tes enfants, Démocratie ?

Je suis né dans tes bras, Démocratie. 
On m’a appris à porter tes valeurs.
On m’a appris que tu étais le plus grand trésor que l’on puisse posséder. 

Je me suis abreuvé à ton sein, Démocratie. 
Mes grands-parents se sont battus pour que tu sois Reine.
Ils t’ont connu à genoux, malade et fuyante et ils t’ont faite Déesse. 

Je suis ton fils, Démocratie. 
Ma nation m’a même inculqué que tu étais forte et que les heures sombres ne reviendraient plus. 
M’aurait-on menti ?

Mais où es-tu, Démocratie ?
Peu à peu le monde se referme. Se durcit. 
Les pays se haïssent, s’observent, se rejettent. 

Pourquoi nous avoir laissé tomber, Démocratie ? 
Aujourd’hui l’Europe est sourde. Elle n’écoute plus ses citoyens. Elle ne relève pas les défis exaltants de demain pour le climat, pour une nouvelle société… Pour un monde à l’économie plus locale et plus juste. Pour un monde plus responsable qui s’occupe de son jardin tout en continuant à regarder l’horizon. 

Nos gouvernements sont malades, sans pouvoir, sans vision.
L’écologie urgente est balayée, l’économie asphyxiante est privilégiée.
La bienveillance et l’entraide ne font plus recettes… Les partis politiques, mêmes les plus respectables, se délectent d'opposer, de stigmatiser voir même d'attiser des haines nauséabondes. 

Selon une étude publiée le vendredi 26 octobre 2018 par la banque UBS, la fortune globale des milliardaires de la planète a augmenté de 19% en 2017. Aujourd’hui 82% des richesses du Monde sont dans les mains de 1% des plus riches. 
Es-tu là, Démocratie ?

Ton pouvoir, celui que tu donnes habituellement à tes enfants,
il nous a été arraché, Démocratie. 
Les lobbies s’invitent à l’Assemblée Nationale, au parlement européen, au G7, au sommet pour le climat… 

On le voit dans une multitudes de bloquages que les peuples ne supportent plus : 
  • Blocage des lois pour l’interdiction du glyphosate
  • Passage en force des lois sur le libre échange qui appauvrissent les petits producteurs et polluent inutilement notre Planète.
  • Vote de la loi du « secret des affaires » qui musèlent un peu plus la presse européenne et le devoir d’informer.
  • Les réductions d’impôts et les paradis fiscaux des grandes entreprises qui ne font jamais l’objet d’enquêtes poussées.
  •  L’appauvrissement progressif des services publiques…  
Et plus personne ne s’en cache, plus personne ne te respecte, Démocratie. 

Alors le monde glisse doucement… 
Les gens perdent espoirs, se désintéressent, se résignent. 
Le plus triste, c’est que les dirigeants qui portent encore ton drapeau n’en sont même plus dignes. Ils s’amusent à te mettre en danger, Démocratie. 

En danger car par désespoir (ou peut être par ignorance) 
Petit à petit, élection après élection, année après année, 
les pays tentent la dangereuse aventure des populismes. Les discours les plus violents ressurgissent. Le vivre ensemble devient presque utopique. 
Aujourd’hui on parle de frontières, de repli, d’identité… Alors qu’il y a encore trente-ans nous cassions des murs pour toi, Démocratie. 

Je suis né dans tes bras,
Je me suis abreuvé à ton sein, 
Je suis ton fils et pourtant… 
Peu à peu j’ai très peur, Démocratie. 

Je vis sur un petit Pays… un petit Pays qui m’est cher parce qu’il est surement le plus impertinent de tes enfants. Ce pays m'a donné une fougue de révolutionnaire, un amour de la culture et de la pensée. 
Mais je mentirai si je ne te disais pas que j’ai très peur, Démocratie.

Peur, parce que tu as déjà baissé les bras.
Peur, parce que désormais je vis dans un monde que je ne reconnais plus.
Je me battrai toujours pour toi, Démocratie.  

vendredi 26 octobre 2018

La charrette de l'Ankou (Les Contes et Légendes de Faery, sous le vent d'Automne)


Une nouvelle journée commença à Hevernesen. Ivan et Mirage partirent rejoindre Ben et Grimm dans les bois. Les célébrations de la fête de Samain approchaient. Les habitants préparaient les tables qui allaient servir au repas, pendant que d’autres décoraient les maisons et le kiosque des fêtes. 

Au calme dans la forêt, les enfants ramassaient quelques châtaignes et des marrons tout en se racontant des histoires. 
Soudain, une mystérieuse charrette emprunta le sentier et s’arrêta devant eux. Elle était vieille et grinçait beaucoup. A l’arrière, il y avait de la paille et quelques fleurs de tournesols fanées.

Le cocher de ce chargement douteux était habillé d’un long manteau noir et d’une capuche qui dissimulait son visage. Ivan, Mirage et les lutins effrayés, pressèrent le pas.

« Avancez vite et ne regardez pas derrière vous ! » conseilla Ben. 
Le cocher sortit, de dessous la paille, une large faux qu’il pointa en direction des enfants. 
« Courrez vite !!!! » Hurla Grimm en quittant le sentier pour s’enfoncer dans le bois. 

A ce moment là, le cocher se mit à rire et abaissa sa capuche. Il s’agissait en réalité de Robert, le fils ainé de Madame River, la boulangère du village. 

« aha je vous ai joué un bien mauvais tour ! Il est plutôt convainquant mon costume de l’Ankou, vous ne trouvez pas ? je vais terroriser les habitants d’Hevernesen, en arrivant comme ça, pour la nuit de Samain ! » s’amusa l’adolescent. 

Ivan aimait beaucoup Robert, c’était un jeune homme très apprécié. Il avait une joie communicative et savait toujours étonner tout le monde à chaque fête de village. 

« Ce n’est pas drôle Robert ! nous y avons vraiment cru ! » pesta Grimm qui, dans sa course, avait glissé dans une flaque de boue.

« Surtout qu’il n’est pas rare de croiser l’Ankou par les temps qui court ! c’est la saison parfaite pour sa récolte d’âmes »  ajouta Ben encore essoufflé. 

Mirage se mit à se moquer de ses camarades qui étaient vraisemblablement peu téméraires. 

« Allons que vous êtes bêtes ! L’Ankou n’est qu’une légende ! il n’existe pas ! » 

Grimm assura avoir déjà croisé sa route avec une charrette remplie de corps. Ben commença à évoquer la rumeur d’un village entier où l’Ankou était venu chercher des âmes. Ses histoires ne rassuraient guère Ivan et commençait à faire douter la petite Mirage. 

Robert aussi connaissait une anecdote sur le célèbre l’Ankou, ce cocher envoyé par la Mort pour récolter les âmes et les conduire dans l’autre monde. 

« Ma mère m’a raconté une histoire le concernant une fois… Autrefois, elle vivait à Souffle-Brise, un village qui n’est qu’à quelques heures d’ici… »

Robert descendit de sa charrette et amena les enfants au dessus d’un pont en pierre pour leur raconter la venue de l’Ankou dans ce village d’Eriù.
Mirage, Ivan, Ben et Grimm écoutèrent avec fascination, angoisse et interrogation. 
Et si cette créature de l’autre monde existait vraiment ?…    



Cette histoire s’est déroulée au coeur de la forêt d’Eriù, à l’approche de la fête de Samain. A l’issue d’un sentier un peu isolé, où aucun voyageur ne passaient jamais, se trouvait une petite ferme à l’abandon. Le poulailler d’autrefois y était envahi par les ronces et les herbes. La grange où dormaient les bêtes s’était effondrée. Quant au toit de la chaumière, il commençait à montrer quelques faiblesses après plusieurs hivers assez rudes. 

Dans cette chaumière, vivait un vieil homme qui s’appelait Leonn. Cela faisait bien des années qu’il était seul. Sa soeur, avec qui il avait vécu toute sa vie, était morte depuis plusieurs saisons déjà. Le village le plus proche, Souffle-Brise, se trouvait à plusieurs heures de route. Leonn n’y avait aucune connaissance, aucun ami. Il faut dire que c’était un homme bougon, peu aimable et pas très généreux. Beaucoup d’habitants s’étaient détournés de lui… Oubliant même le chemin qui menait à sa ferme. Ce qui avait causé la perte de son exploitation. 

Leonn ne sortait plus de chez lui. Il venait de fêter, cette année là, sa quatre-vingt-huitième année. Son corps n'était plus que tremblote et fatigue. L’arthrose de ses genoux lui faisait terriblement mal. Il se déplaçait à l’aide d’une canne. Son dos était vouté. Lui, qui, pourtant dans sa jeunesse fut un homme assez grand et fringant. Il peinait à lever la tête. Sa vue commençait à faiblir elle aussi. 
Malgré tous ses problèmes de santé qui rendaient son quotidien douloureux, Leonn s’accrochait à la vie. Il refusait de laisser la mort l’emporter pour ennuyer un peu plus les mauvaises langues de Souffle-Brise.

Ce jour là, Leonn commençait une journée bien ordinaire. Il s’était levé de son lit pour s’affaler dans son fauteuil à bascule. Celui-ci faisait face à une cheminée où le feu ne faiblissait jamais.
A onze heure précise, il entendit une charrette venir jusqu’à la ferme. 
Leonn était surpris. Voilà bien des saisons qu’il n’avait pas reçu de visite. Il avait beau être râleur et peu avenant, le bruit de cette carriole dessina sur son visage un léger sourire. Même le plus bougre des hommes ne peut supporter trop de solitude. 

Leonn agrippa sa canne et s’approcha de la fenêtre. Il tira discrètement le rideau pour tenter d’apercevoir le voyageur qui s’était rendu jusque ici. 
Sa charrette était large et imposante. A l’intérieur, il n’y avait aucun chargement, uniquement de la paille et quelques fleurs de tournesols fanées. Le cheval qui tirait ce chargement était maigre. Certains auraient même dit qu’il était malade. 
Le voyageur portait un long manteau noir qui trainait jusque sur les roues de la carriole. Il cachait son visage sous une capuche. 

Après plusieurs minutes sans bouger. Le mystérieux inconnu descendit de sa charrette et se saisit d’une immense faux qu’il dissimulait sous la paille à l’arrière. Il retira lentement sa capuche et laissa apparaître son visage. Un crâne en décomposition où quelques bouts de chair s’accrochaient encore autour de la mâchoire. Leonn, terrorisé, baissa le rideau. Il s’empressa de tourner la clé deux fois dans la serrure pour se barricader. 

Il savait très bien qui était cet être hideux et pourquoi il venait jusque ici. Il s’agissait de l’Ankou, le messager de la mort qui conduisait les âmes vers l’autre monde. Leonn ne voulait pas mourrir. Il retourna calmement s’assoir et saisit une couverture en laine que sa soeur lui avait brodé. Il se cacha le visage tout en murmurant avec effroi : « Partez… Partez… Partez » 

L’Ankou grimpa les quelques marches qui menaient à la porte et frappa trois coups. Leonn resta dans son fauteuil. Comme il n’obtenait pas de réponse, l’Ankou tenta d’ouvrir la porte en tirant avec force sur la poignée. Leonn resta caché. L’hideux cocher commença à faire le tour de la chaumière. Léonn voyait son ombre passer devant chaque rideau, tentant de pousser les fenêtres. A la fois énervé et terrorisé, Leonn cria : 

« Allez-vous en ! Il y a plein d’âmes pour vous à Souffle-Brise… Laissez moi ! » 

A cet instant, Leonn entendit sa chère soeur, Marie-Lyse qui l’appelait.

« Mais enfin ouvre moi Leonn, Bon sang de bois ! il fait froid dehors ! »

Cette voix, Leonn ne l’avait pas entendue depuis bien des années. Il en avait presque oublié la beauté et l’harmonie. 

Leonn ne réfléchit pas une minute et ouvrit la porte. Quelle ne fut pas sa joie, lorsqu’il vit Marie-Lyse entrer dans la pièce. Elle avait avec elle, un large panier de provision, de quoi cuisiner et se nourrir pendant des semaines. Elle montra à son frère les beaux légumes d’automne qu’elle avait trouvé sur le marché de Souffle-Brise. Leonn arrivait à peine à parler. Son coeur s’emplissait de joie de voir à nouveau sa tendre soeur illuminer cette demeure comme autrefois. 

Elle se saisit de la marmite posée dans la cheminée. Une marmite poussiéreuse qui n’avait plus servie depuis bien longtemps. Elle commença à y découper de la citrouille, des navets et des pommes de terre. Elle laissa mijoter puis y ajouta quelques herbes pour en faire une bonne soupe gouteuse. Marie-Lyse en profita pour donner des nouvelles des habitants de Souffle-Brise à son frère.

« Tu devrais retourner en ville avec moi ! je t’assure que les gens de là bas aimeraient te voir plus souvent… La vie est trop courte pour garder tant de rancoeur Leonn ! » 

Une fois la nuit tombée, ils se mirent à table. Leonn alluma quelques bougies. Comme il aimait le faire du temps où la bonne humeur de sa soeur égaillait encore la chaumière. Ce repas était copieux. Cela faisait longtemps qu’il n’avait pas mangé à sa faim. Marie-Lyse se saisit d’un violon qui était posé sur le dessus de la cheminée. 
« Cela fait si longtemps que tu ne t’en es pas servi. Joue moi une mélodie Léonn ! » demanda t-elle. 

Leonn se attrapa l’instrument, fit quelques accordages, puis caressa les cordes avec son archet.  Marie-Lyse sourit. Elle aimait tant l’entendre. Elle ne pouvait s’empêcher de danser et tourner partout dans la pièce. 

« Tu vois je sais toujours pincer les cordes et jouer de mon archet » s’exclama Leonn qui s’étonnait lui même d’enchainer les mélodies. 

Plus il voyait Marie-Lyse tournoyer, plus il se souvint de la peine qu’il ressentit le jour de sa disparition. Il se rappela de la maladie, de la fièvre, des mains tremblantes, de la vieillesse et des yeux qui se ferment. Leonn arrêta net de jouer du violon… 

« Pourquoi arrêtes-tu ta ritournelle ? » demanda Marie-Lyse. 
« Allez-vous en ! Il y a plein d’âmes pour vous à Souffle-Brise… Laissez moi ! » répondit sèchement Leonn. 

Marie-Lyse se décomposa peu à peu… Elle reprit l’apparence de l’Ankou. Surpris d’être démasqué, il tenta d’agripper Leonn pour le conduire dans sa charrette. Le vieil homme lui donna de puissant coup de canne pour le repousser. Il réussit à chasser la créature et ferma la porte à toute vitesse. 
Leonn retourna s’assoir dans son fauteuil. Il reprit la couverture de sa soeur et se mit à pleurer. Il s’en voulait de s’être fait berner par l’Ankou. 

Au milieu de cette nuit inquiétante, la charrette du mystérieux passeur, restait immobile. L’Ankou alluma avec calme plusieurs lanternes au milieu de la paille qui s’entassait à l’arrière. Il remonta à son bord et se dissimula à nouveau sous sa capuche. Leonn venait de temps à autre à la fenêtre pour le regarder discrètement… l’Ankou ne semblait pas décidé à s’en aller. 

Leonn essaya de retrouver son calme en contemplant le feu de cheminée. De temps à autre, il murmurait avec effroi : « Partez… Partez… Partez »
Mais l’Ankou attendait toujours de capturer son âme. 
Submergé par tant d’émotions, Leonn finit par s’endormir. Il ignora combien d’heures il trouva le sommeil. A son réveil, il entendit de la musique à l’extérieur… Il entendit aussi des rires et des chopes de bières qui s’entrechoquaient. 

Curieux, il retourna à la fenêtre et découvrit une grande fête. Ce n’était pas n’importe quelle fête… C’était une célébration d’automne comme il s’en faisait beaucoup dans sa jeunesse, du temps où il vivait encore à Souffle-Brise. Leonn n’en croyait pas ses yeux. Tout le village était là. Son chemin abandonné s’était évaporé. 

Quelqu’un frappa avec entrain à la porte… 
« Leonn ! viens-vite faire la fête avec nous ! » 

Cette voix, Leonn la connaissait bien. C’était celle de la belle Laurinn, son premier amour. Il n’en croyait pas ses oreilles. Il se leva et sortit sur le pas de la porte. 
A cet instant, il sentit son arthrose s’envoler, son dos se redresser et sa vue s’affiner. Leonn était a nouveau jeune et fringant. 

La belle Laurinn qui l’attendait sur les marches de la ferme, l’agrippa par le bras et l’entraîna dans la fête. Leonn était ému de revoir Souffle-Brise comme du temps de sa jeunesse… La vieille fontaine de la place du village, le lavoir, où, petit, il s'amusait après l’école, le kiosque à musique où il avait joué ses premiers airs de violon à vingt ans. 

Il suivait Laurinn dans la foule. Il n’avait pas oublié la douceur de ses mains et ce sourire éclatant qui faisait qu’au village elle était tant aimée. Leonn croisa beaucoup de visages d’autrefois, Madame Albert, Monsieur Tiffaine, la Veuve Léonard, ses camarades d’enfance Tim, Sam et Lewis. 
Il se rappelait de chacun d’eux et malgré les années qui s’étaient écoulées, l’amour qu’il leur portait n’avait pas faibli.

Partout dans Souffle-Brise, les gens célébraient l’automne. Ils dansaient, chantaient et un festin immense était installé au coeur du village. Alors qu’il tenait toujours la main de la belle Laurinn, Leonn se rappela de cette belle robe bleue qu’elle portait… C’était la robe de leur premier et de leur dernier baiser. 

En ce temps là, ils étaient bien jeune et peut être trop insouciant. Laurinn rêvait de devenir comédienne dans les grands théâtres de Scarborough. Leonn, quant à lui, espérait que ses talents de violoniste lui permettraient de se faire connaître à la cité royale. Les parents de Laurinn n’aimaient guère l’influence qu’avait Leonn sur leur fille. Ils ne voulaient pas qu’elle devienne artiste. Le couple décida de s’enfuir le soir d’une fête d’automne afin de poursuivre ses rêves. 

Laurinn avait volé la charrette de son père. Elle était remplie de vivre nécessaire pour le voyage. Elle donna rendez vous à Leonn sur un pont à la sortie du village. Mais Leonn, qui était d’un naturel peureux, ne vint pas à ce rendez-vous. Laurinn, ne le lui pardonna jamais. L’année suivante, elle se maria avec un riche seigneur de Scarborough et quitta Souffle-Brise. Leonn n’entendit plus jamais parler d’elle… Et cela resta sa plus grande déception. 

Mais ce soir, Laurinn était à nouveau là, dans sa robe de la fête d’automne. Une fois près du kiosque à musique, elle glissa un papier dans la main de Léon :

« Rendez vous à minuit sur le pont aux lucioles… Enfuyons nous mon amour ! »

Laurinn embrassa furtivement Leonn sur la bouche et disparut dans la foule. Il savait que ce baiser serait le seul qu’ils s’échangeraient. Les regrets vinrent se saisir de son coeur. Puis, il décida de changer son destin, de monter à bord de cette charrette et de partir à Scarborough avec la belle Laurinn.  

Après avoir bu quelques bières, joué du violon sous le kiosque avec Tim, Sam et Lewis, Leonn s’éclipsa de la fête. Malgré toutes ses années, ils se souvint du chemin pour se rendre au pont aux lucioles. La belle Laurinn l’y attendait. Elle était déjà assise dans la charrette de son père, prête à partir. 

« Vite Leonn ! monte avant que mes parents n’arrivent ! » chuchota t-elle tout en arborant un magnifique sourire. 

Elle tendit sa main pour l’aider à grimper. Leonn ne réfléchit pas une seconde. Il ne voulait pas perdre une nouvelle fois celle qu’il aimait tant. Mais à peine eut-il attrapé sa main que Laurinn se décomposa peu à peu. Le pont aux Lucioles, la fête d’automne, la place de Souffle-Brise disparurent en un battement de cils. Leonn retrouva son arthrose, son dos courbé et sa vue basse. Il n’était pas dans la charrette de sa bien aimée… Mais dans celle de l’Ankou qui avait finalement réussi à le duper. 

Leonn tenta dans un dernier élan de désespoir de descendre de cette carriole maudite mais il était bien trop faible et sa maisonnette était bien trop loin. 
L’Ankou fouetta sèchement son cheval et sa charrette partit au galop dans la nuit avec le pauvre Leonn à son bord. 

Le lendemain matin, une vieille dame, très apprêtée, vint à Souffle-Brise et demanda où elle pouvait trouver le vieux Leonn. Elle venait de la cité royale de Scarborough. Les habitants étaient étonnés que quelqu’un demande à voir cet homme si peu aimé. Ils lui indiquèrent néanmoins le chemin de la ferme.

Vous l’aurez bien compris, il s’agissait de la belle Laurinn. Elle n’avait peut être plus la candeur d’autrefois mais elle était toujours aussi rayonnante malgré son âge. Laurinn aussi avait le dos vouté, de l’arthrose à ses genoux et une vue capricieuse. Son époux l’avait quitté depuis plusieurs saisons. Dans le fond, elle n’avait jamais oublié le beau Leonn. Le rêve de Laurinn s’était réalisé. Elle devint comédienne et joua dans les plus grandes pièces de Scarborough, devant le Roi, la Reine et les grandes noblesses de Faery. 

Lorsqu’elle arriva à la ferme, elle fut désolée de la voir en si mauvais état et prête à tomber. Elle grimpa les quelques marches qui menaient à la porte, frappa trois coups et attendit. Rien… Pas de réponse. Elle se dirigea vers l’une des fenêtres et découvrit Leonn, inerte sur son fauteuil. Elle enfonça la porte mais il était trop tard. L’Ankou était venu chercher son âme. 

Laurinn caressa le visage de Leonn usé par le temps. Il semblait apaisé. Il avait le même sourire qu’au temps des fêtes d’automne et des premiers baisers. Sous son bras, elle aperçut son violon et son archet. Puis, dans l’une de ses mains, un morceau de papier qui disait :   


 « Rendez vous à minuit sur le pont aux lucioles… Enfuyons nous mon amour ! »