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jeudi 11 octobre 2018

Chronique 2015 : Le Loup

Avant propos de la chronique : 
Écrite en 2015, cette chronique parle de la fin d'un monde. Mon cocon parisien s'effrite. Je pensais pouvoir encore être longtemps vendeur pour les clients exigeants des grands magasins... et pourtant... ce jour là, tout s'est arrêté net... un loup est venu à moi et m'a ouvert un nouveau chemin... 


Tout s’est arrêté autour de moi… Le monde qui m’entourait a cessé d’avoir sa logique et son importance…. Les clients exigeants, la course aux rendements, aux objectifs, aux chiffres… Tout s’est arrêté… Sans que je comprenne vraiment pourquoi.
Certain diront que c’était une minute de pure folie, un instant d’égarement… Mais je vous assure que je l’ai vu… Il est venu à moi.
Tout s’est arrêté autour de moi… Le monde qui m’emprisonnait a cessé d’imposer son dictat et sa malveillance… Les petites phrases assassines, les bousculades, les menaces… Tout s’est arrêté… Je n’en pouvais plus. Mes jambes m’ont abandonné, mon esprit a lâché prise. Un client m’attendait pourtant dans la boutique… Un client bien plus important que je ne le serais jamais… Un homme de valeur, sans valeurs. Un homme respectable, sans respects. Tout s’est arrêté et entre les allées de notre réserve, il est apparu… Il est venu à moi.
Tout s’est arrêté autour de moi… Le monde qui m’oppressait s’est écroulé, il m’est apparu sous son vrai visage… Futile et pingre…. Elle est pourtant venue me hurler dessus, ma responsable qui me pressait de continuer la valse des gros billets… Mais je n’étais plus là. Elle et son manège infernal m’avaient usé, malmené, sous-estimé depuis bien trop longtemps. Tout s’est arrêté, je ne voyais plus que lui… Ce loup, qui d’ordinaire n’aurait rien n’eu à faire dans les allées d’un magasin parisien.
Son regard était persan. Son poils irisé et généreux. Il piétinait le peu d’importance que cet ancien monde avait encore pour moi. Je n’avais que faire de ma responsable boutique ou du client en manque de reconnaissance… Ce loup était venu me sauver. Il était là, palpable, réel, important… Il portait dans ses yeux mes histoires, mon amour des mots et mes routes à venir. Il était à la fois apaisant et intriguant. J’ignorais où cette bête allait me conduire.
Au sol, j’attendais… L’œil vide et hagard. Dans mes mains tremblantes, je tenais bien quelques articles, mais mon esprit ne répondait pas. Je ne comprenais plus ce que je faisais ici… La boutique, le client, ma responsable me semblaient loin… Trop loin pour que je les rejoigne. J’étais assis… ce manège infernal tournait dans ma tête et agrippait mon estomac. Le temps n’avait plus d’emprise… il semblait filer aussi vite qu’il s’était figé.
Le loup s’est assis face moi… Il me fixait… Attendant surement que je reprenne le contrôle. Puis peu à peu la boutique s’est effacée… Mon regard l’a oubliée… Je me suis mis à rêver de forêt, d’espace, d’impertinence, de liberté, d’étendue, de cascades, de voyage, de rencontre, de partage, de montagnes, de coucher de soleil, d’orage, de pluie, de tempête, de neige, de route, de sentier, de chemin. Je me suis mis à comprendre pourquoi ce loup que je gardais en moi m’était enfin apparu.
Tous ces espaces, je pouvais déjà les percevoir, les comprendre, les parcourir. Je n’étais déjà plus dans ma boutique insignifiante.
Le loup m’a murmuré de partir… D’être arrogant à mon tour. De fuir ce monde et de le réapprendre ailleurs… De détruire pour reconstruire… De mourir pour renaitre… Le loup m’a murmuré de le suivre… Toujours. Ma responsable, le client, mes collègues avaient beau tour à tour, crier, s’énerver ou tenter de me remotiver… Julien, le petit vendeur parisien docile était mort. Je ne voyais que le loup… Je n’écoutais que le loup.
Certain appelleront ça un burn-out… Moi j’appelle ça une renaissance… Toujours est-il que ce soir-là, j’ai quitté ma boutique à bord d’une ambulance, allongé sur un brancard. Lorsque les portes se sont refermées, j’ai compris que jamais je ne reviendrai ici… J’ai vu pour la dernière fois la pauvreté d’âme de ma responsable qui me regardait partir sur le bord de la route.
Tout s’est arrêté autour de moi… Le monde qui m’entourait a cessé d’avoir sa logique et son importance…. J’ai cessé d’être, je suis devenu le Loup.      

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