Écrite en 2015, cette chronique parle de la fin d'un monde. Mon cocon parisien s'effrite. Je pensais pouvoir encore être longtemps vendeur pour les clients exigeants des grands magasins... et pourtant... ce jour là, tout s'est arrêté net... un loup est venu à moi et m'a ouvert un nouveau chemin...
Tout s’est arrêté autour
de moi… Le monde qui m’entourait a cessé d’avoir sa logique et son importance….
Les clients exigeants, la course aux rendements, aux objectifs, aux chiffres…
Tout s’est arrêté… Sans que je comprenne vraiment pourquoi.
Certain diront que
c’était une minute de pure folie, un instant d’égarement… Mais je vous assure
que je l’ai vu… Il est venu à moi.
Tout s’est arrêté
autour de moi… Le monde qui m’emprisonnait a cessé d’imposer son dictat et sa
malveillance… Les petites phrases assassines, les bousculades, les menaces… Tout
s’est arrêté… Je n’en pouvais plus. Mes jambes m’ont abandonné, mon esprit a
lâché prise. Un client m’attendait pourtant dans la boutique… Un client bien
plus important que je ne le serais jamais… Un homme de valeur, sans valeurs. Un
homme respectable, sans respects. Tout s’est arrêté et entre les allées de
notre réserve, il est apparu… Il est venu à moi.
Tout s’est arrêté
autour de moi… Le monde qui m’oppressait s’est écroulé, il m’est apparu sous
son vrai visage… Futile et pingre…. Elle est pourtant venue me hurler dessus,
ma responsable qui me pressait de continuer la valse des gros billets… Mais je
n’étais plus là. Elle et son manège infernal m’avaient usé, malmené,
sous-estimé depuis bien trop longtemps. Tout s’est arrêté, je ne voyais plus
que lui… Ce loup, qui d’ordinaire n’aurait rien n’eu à faire dans les allées
d’un magasin parisien.
Son regard était persan.
Son poils irisé et généreux. Il piétinait le peu d’importance que cet ancien
monde avait encore pour moi. Je n’avais que faire de ma responsable boutique ou
du client en manque de reconnaissance… Ce loup était venu me sauver. Il était
là, palpable, réel, important… Il portait dans ses yeux mes histoires, mon
amour des mots et mes routes à venir. Il était à la fois apaisant et
intriguant. J’ignorais où cette bête allait me conduire.
Au sol, j’attendais…
L’œil vide et hagard. Dans mes mains tremblantes, je tenais bien quelques
articles, mais mon esprit ne répondait pas. Je ne comprenais plus ce que je
faisais ici… La boutique, le client, ma responsable me semblaient loin… Trop
loin pour que je les rejoigne. J’étais assis… ce manège infernal tournait dans
ma tête et agrippait mon estomac. Le temps n’avait plus d’emprise… il semblait
filer aussi vite qu’il s’était figé.
Le loup s’est assis
face moi… Il me fixait… Attendant surement que je reprenne le contrôle. Puis
peu à peu la boutique s’est effacée… Mon regard l’a oubliée… Je me suis mis à
rêver de forêt, d’espace, d’impertinence, de liberté, d’étendue, de cascades,
de voyage, de rencontre, de partage, de montagnes, de coucher de soleil,
d’orage, de pluie, de tempête, de neige, de route, de sentier, de chemin. Je me
suis mis à comprendre pourquoi ce loup que je gardais en moi m’était enfin
apparu.
Tous ces espaces, je
pouvais déjà les percevoir, les comprendre, les parcourir. Je n’étais déjà plus
dans ma boutique insignifiante.
Le loup m’a murmuré de
partir… D’être arrogant à mon tour. De fuir ce monde et de le réapprendre
ailleurs… De détruire pour reconstruire… De mourir pour renaitre… Le loup m’a
murmuré de le suivre… Toujours. Ma responsable, le client, mes collègues
avaient beau tour à tour, crier, s’énerver ou tenter de me remotiver… Julien,
le petit vendeur parisien docile était mort. Je ne voyais que le loup… Je
n’écoutais que le loup.
Certain appelleront ça
un burn-out… Moi j’appelle ça une renaissance… Toujours est-il que ce soir-là,
j’ai quitté ma boutique à bord d’une ambulance, allongé sur un brancard.
Lorsque les portes se sont refermées, j’ai compris que jamais je ne reviendrai
ici… J’ai vu pour la dernière fois la pauvreté d’âme de ma responsable qui me
regardait partir sur le bord de la route.
Tout s’est arrêté
autour de moi… Le monde qui m’entourait a cessé d’avoir sa logique et son
importance…. J’ai cessé d’être, je suis devenu le Loup.
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